Si les mots ont le pouvoir de blesser, ils ont aussi un pouvoir de guérison. Bien pesés, ils apaisent le cœur endolori et rétablissent des relations brisées. C’est pourquoi maîtriser notre parole est important. Parler, ce n’est rien d’autre qu’émettre des idées positives, des paroles bienveillantes, des mots justes et généreux, des paroles agréables, d’une douceur pour l’âme et salutaires pour le corps. Une parole calme dite par une langue apaisante peut toujours redonner le moral à celui qui l’entend, dit-on. « Celui qui sait dire des mots qui réchauffent, vivifient, inspirent et allument le feu sacré possède une baguette magique dans la bouche », affirmait l’ésotériste bulgare Omraam Mikhaël Aïvanhov.
Parler n’est pas un exercice aussi aisé. Certains la jouent calme, posé, d’autres préfèrent crier, user de l’insolence, de l’arrogance, tandis que la grande majorité choisit le mutisme par peur de déraper, déranger. On ne parle pas n’importe comment à n’importe qui. Ce n’est pas pour rien que l’on dit qu’avant de parler, il faut remuer sept fois sa langue dans sa bouche. Pour la simple raison que cet organe qu’est la langue, malgré sa petite taille, est un véritable poison parce que remplie d’un venin mortel, a une réelle capacité dévastatrice. Comme un couteau tranchant, elle coupe, blesse et parfois laisse des séquelles, alors qu’elle doit servir à communiquer, aider, consoler et parfois même sauver des vies.
« Les paroles des méchants font du mal, le silence des bons tue », disait si bien Martin Luther King. Aujourd’hui, nous disons tout ce qui nous passe par la tête. Notre sport préféré, c’est débiter des injures et autres gros mots, des remarques blessantes ou pernicieuses et autres propos obscènes. Nous ne nous gênons jamais pour rabrouer, rabaisser par des remarques désobligeantes, humiliantes, offensantes. Et nous le faisons sans même nous rendre compte que les actes que nous posons pourraient heurter, provoquer des blessures affectives profondes et faire voler en éclats des relations. La parole qui était, jadis, symbole et valeur d’honnêteté est aujourd’hui dépréciée par tant de propos sans valeur aucune qui sortent de nos puantes bouches. Les discours haineux, xénophobes, racistes, islamophobes et ethnicistes empoisonnent notre existence.
La parole est sacrée. Elle est un art qui doit être utilisé à bon escient. Malheureusement, nous ne le maîtrisons pas de la même façon. Car parler n’est pas inné ; ça s’apprend. Au Moyen Âge, l’art de la parole était une discipline enseignée dans les universités pour permettre aux étudiants de comprendre et de se faire comprendre, d’argumenter. Dans la Grèce antique, la rhétorique, considérée comme l’art de la parole, était aussi utilisée pour persuader son auditoire. Socrate ne comparait-il pas la rhétorique à une cuisine, « une technique pour bien parler et convaincre son public » ? Tout le contraire du sophisme que le sage philosophe considérait comme une cosmétique, « un art de maquiller le faux par une apparence de vérité ».
Dans la Sourate Ibrahim (versets 24-25-26-27), Dieu nous rappelle l’importance de faire attention à ce que nous disons : « N’as-tu pas vu comment Allah propose en parabole une bonne parole pareille à un bel arbre dont la racine est ferme et la ramure s’élançant dans le ciel ? Il donne à tout instant ses fruits, par la grâce de son Seigneur. Allah propose des paraboles à l’intention des gens afin qu’ils s’exhortent. Et une mauvaise parole est pareille à un mauvais arbre, déraciné de la surface de la terre et qui n’a point de stabilité. Allah affermit les croyants par une parole ferme, dans la vie présente et dans l’au-delà. Tandis qu’Il égare les injustes. Et Allah fait ce qu’Il veut. » Tous ceux qui se complaisent à se servir de propos tortueux ou à débiter des méchancetés pour faire souffrir ou démoraliser d’honnêtes gens doivent revoir leurs copies. Nous vivons à une époque et dans un monde où chacun pense détenir le pouvoir donner des leçons, de juger les autres alors que la seule véritable chose qui s’impose à nous, c’est de tenir notre langue en bride. Parce que parfois, garder le silence qui fait office de remède mène à la retenue de la langue.
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