L’image de la réconciliation entre le préfet de Kaolack et le maire de cette ville autour du khalife général de la Fayda, Cheikh Mahi Niass, est saisissante. Elle atteste encore une fois du rôle essentiel du pouvoir religieux dans la construction et l’évolution de la nation sénégalaise. Le pouvoir spirituel a toujours apporté une contribution à la marche de notre pays. Il a toujours su jouer un rôle déterminant dans des moments complexes, constitué un ressort solide sur lequel s’appuient des acteurs de la vie publique dans la bonne marche de notre État. Il s’est toujours impliqué dans la résolution des conflits ; qu’ils soient politiques, sociaux ou intercommunautaires, pour jouer le rôle d’intermédiaire et de médiateur.
Le patriarche de Médina Baye n’en est pas à son coup d’essai. En effet, Cheikh Mahi Niass, khalife général de Médina Baye, s’est toujours illustré dans des circonstances où l’espoir était mince. Grâce à la baraka, il réussit sa médiation. En visite au Darfour au Soudan, en mai 2022, il avait réuni les belligérants autour de la table de négociations. Ces derniers s’étaient engagés à déposer les armes. Une belle victoire qui lui avait valu tous les honneurs. Donc, il n’est guère surprenant, après les échanges aigres-doux entre le préfet et le maire de la ville de Kaolack, le samedi 3 août, que le Cheikh prenne son bâton de pèlerin pour remettre les choses à l’endroit grâce à sa pédagogie, son patriotisme, son attachement à la paix, à la concorde, à la cohésion sociale, etc. C’est ce Sénégal que nous aimons. Malgré les divergences, les gens parviennent toujours à se retrouver pour l’intérêt suprême de la nation. N’eût été son intervention, le débat aurait fait rage ; les Sénégalais étant maîtres dans l’art de spéculer. Mais le mérite de cette médiation réussie du sage guide de Médina Baye, c’est d’avoir coupé court à ce heurt médiatique entre les deux hommes forts de la ville de Mbossé, génie protecteur, condamnés à collaborer pour le développement de la localité.
Dans une étude intitulée « L’État et le système religieux au Sénégal : la contribution des religieux à la stabilité politique et sociale » publiée dans Ziglôbitha, la Revue des Arts, linguistique, littérature et civilisations de l’Université Peleforo Gon Coulibaly-Korhogo (Ra2lc) n°10 volume 1, en juin 2024, Abdou Badji de l’Université Assane Seck de Ziguinchor montre comment les religieux contribuent à la stabilité politique et sociale du pays depuis son accession à l’indépendance, en tant que médiateurs. Et en s’y impliquant, certains vont jusqu’à jouer pleinement le rôle d’acteur politique. Selon lui, les rapports entre l’État et les religieux (aussi bien musulmans que chrétiens), sont marqués par une collaboration leur permettant de manager ensemble la vie politique et sociétale du pays.
« Les religions jouent un rôle important en ce sens qu’elles prônent la paix qui est l’un des piliers fondamentaux de la cohésion sociale et du développement de tout bord. Elles jouent des fonctions sociales intégratrices et unificatrices. Donc, le religieux a l’obligation de cultiver cette paix faisant partie intégrale de sa mission fondamentale selon les prescriptions ou les principes des religions », écrit l’universitaire. En réalité, fait-il savoir, « la religion est une sorte de politique qui intervient dans pratiquement tous les domaines de la vie ». De ce point de vue, estime-t-il, le religieux peut être considéré comme régulateur social, souvent impliqué dans la prise de décisions de certaines questions d’ordre politique. Mountaga Diagne dans sa thèse de Doctorat en Science politique intitulée « Pouvoir politique et espaces religieux au Sénégal : la gouvernance locale à Touba, Cambérène et Médina Baye » et soutenue en 2011, à l’Université du Québec à Montréal, explique qu’en matière de règlement de conflit, les guides religieux peuvent facilement faire changer la position de la population d’autant plus qu’ils disposent d’une grande capacité d’action, d’organisation et de mobilisation dans les collectivités locales et sont également très influents dans les domaines publics. Et en réconciliant le préfet de Kaolack et le maire Serigne Mboup, le khalife général de la Fayda, Cheikh Mahi Niass, confirme que le religieux reste un véritable régulateur social.
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