Les millions de téléspectateurs et fans de foot qui ont suivi la demi-finale aller et celle retour hier de la plus prestigieuse des compétitions de clubs au monde, la Champions League, entre le Paris Saint-Germain et Arsenal ont dû remarquer ce que les deux équipes, adversaires sur le terrain, ont de commun. Le branding « Visit Rwanda » est visible sur les maillots de ces deux équipes qui jouent de grands rôles dans leurs championnats respectifs, la Ligue 1 française et la Premier League anglais.
En plus de ces clubs, « Visit Rwanda » est aussi perceptible dans la Bundesliga allemande avec le Bayern Munich et bientôt dans la Liga espagnole avec l’Althético Madrid. Donc dans le quatuor des plus grands championnats européens. En Afrique aussi, la Basketball Africa League (Bal) qui vient de terminer à Dakar sa conférence Sahara est un théâtre d’expression de ce que le Rwanda est en train de réussir pour le polissage de son image via les terrains sportifs. C’est connu, depuis plus de deux décennies, le sport, jeu ludique et de loisirs est devenu par la force des choses un paramètre important dans la projection de puissance, d’influence et même de reconnaissance de beaucoup d’États. « La puissance sportive peut accompagner la puissance stratégique ou lui servir de substitut, mais elle en est devenue un paramètre. Certains pays ont choisi de se loger dans une niche sportive pour multiplier leur reconnaissance internationale (de façon volontaire et organisée pour Cuba, en récoltant des bénéfices inespérés pour la Jamaïque, par exemple). Être une grande puissance implique de plus en plus d’avoir une vitrine sportive, faute de quoi la panoplie n’est pas complète », explique Pascal Boniface, un des théoriciens de cette nouvelle place et le poids qu’occupe le sport dans les relations internationales.
Dans son ouvrage « Géopolitique du sport », il parle du sport qui est devenu un attrait essentiel de la puissance pour plusieurs raisons. D’abord, la modification structurelle profonde des rapports de force géopolitiques, la globalisation et la formidable montée en puissance des opinions publiques, y compris internationales, la nécessité d’exister sur la carte alors que celle-ci est de plus en plus saturée avec la multiplication des acteurs internationaux, entre autres. Ainsi, l’organisation de compétitions sportives est aujourd’hui très prisée pour faire ce qui est appelé le « Nation branding ». Ce nouvel anglicisme très en vogue dans des études marketing définit ainsi l’identité de marque d’une nation pour se vendre et se positionner à l’international. L’accueil de compétitions sportives internationales est ainsi perçu comme une consécration pour plusieurs pays qui veulent faire savoir qu’il faut désormais compter sur eux dans la marche de leur continent et du monde.
Les exemples sont légion dans le monde où le sport est considéré comme un levier ou un outil pour se positionner dans l’échiquier international. Des pays comme le Qatar ont pris le choix d’en faire leur principale arme pour s’imposer dans le monde. Avec des acquisitions dans le capital de grands clubs comme le Paris Saint-Germain, l’organisation de grandes manifestations (Coupe du monde de football en 2022), le Qatar, petit pays de la péninsule arabique, a réussi à se faire un nom à côté de grands voisins, comme l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, l’Iran, qui le dominent par la taille physique, militaire ou économique. Le sport, avec d’autres facteurs, a contribué à ce regard que les autres ont sur ce pays. Aujourd’hui, ce postulat est imité par l’Arabie Saoudite qui, en plus d’acquisitions de clubs occidentaux, est en train de faire de son championnat un nouvel épicentre du foot mondial. Sur le plan interne aussi, organiser et surtout gagner une compétition continentale et mondiale permet aussi cette cohésion nationale que nous voyons tout le temps lors des tournois sportifs. Ainsi, du « Nation branding », le sport peut aussi aller vers le « Nation building »… oumar.ndiaye@lesoleil.sn