Il n’est pas le couteau le plus aiguisé du tiroir. Mais quand l’opportunité se présente de s’en mettre plein les poches, il sait être aussi incisif qu’un scalpel et saigner à blanc les usagers. Sans état d’âme. Les événements religieux sont sa traite.
Ne comptez pas sur lui pour faire œuvre de charité. Le grisbi est sa religion. De même, quand ses intérêts égoïstes sont menacés par la concurrence, il n’hésite pas, à défaut de s’époumoner et de menacer l’État de ses foudres à coup de chantages sur fond de grève générale, à s’en prendre physiquement à ceux qui s’aventurent à se mettre en travers de sa route. Cette route dont il veut faire sa chasse gardée et qu’il a transformée en terrain de jeu macabre d’où s’expriment son indiscipline et son irresponsabilité qui se nourrissent des accidents et des morts. Sikilo et Sakal ne l’émeuvent guère. Pour lui, ce n’est qu’un drame de plus, du « ndogalou Yallah ». Ses guimbardes et ses chauffards n’y sont pour rien.
En une semaine, le secteur des transports, par des actes posés par ceux qui l’animent, a donné à voir sa face la plus hideuse que résument deux mots : l’indiscipline et l’inconséquence sur fond de méchanceté. Mettez ces deux mots bout à bout et vous comprendrez pourquoi le Sénégal, de manière cyclique, vit le drame des accidents de la circulation. S’ils ne se lancent pas dans des courses-poursuites comme sur l’autoroute avec ces deux cars Ndiaga Ndiaye qui ont fini dans le décor ; et sur la route nationale avec ce camion qui a causé le renversement d’un autre gros porteur occasionnant des embouteillages monstres et des blessés graves, ils sont dans la tentative de court-circuitage de projets de transports modernes et sécurisés comme ce qui s’est passé à Ziguinchor avec les bus de l’opératrice économique Houreye Thiam. Ils avaient eu la même attitude de défiance lors du lancement de Sénégal Dem Dikk et avaient menacé d’aller en grève pour concurrence déloyale.
C’est dire à quel point ce regroupement d’intérêts privés se surestime. C’est connu, le transporteur sénégalais est de nature braillard, jaloux de son secteur et de son activité qu’il conduit avec des méthodes du passé et des véhicules d’un autre âge. La modernité l’insupporte, le confort des usagers est le dernier de ses soucis. Son service est plus que médiocre, il faut que tous les autres acteurs qui veulent révolutionner le secteur pataugent dans la même gadoue. Pour avoir roulé sa bosse d’apprenti à propriétaire en passant par chauffeur ou « coxeur », il se pense drapé d’une légitimité qui ne doit souffrir d’aucune concurrence qui ne soit pas passée par les mêmes chemins sinueux. D’ailleurs, à chaque fois que l’occasion se présente à lui, c’est le même refrain éculé, mille fois martelé et entendu qu’il débite pour expliquer pourquoi, par exemple, il a le droit d’imposer son diktat sans que personne ne trouve à redire. Parce qu’il contrôle encore une bonne partie du secteur, il use de chantages non voilés pour faire reculer l’État à chaque fois que des mesures sont prises pour réguler le secteur.
Voilà comment, à force d’aller à Canossa, les autorités ont engraissé la bête. Le transporteur sénégalais s’accorde tous les droits, mais ne s’acquitte d’aucun de ses devoirs vis-à-vis des usagers qui, à ses yeux, ne méritent pas qu’il consentît des investissements dans du matériel roulant avec le minimum de confort. Sinon comment comprendre que le transport interurbain soit encore majoritairement assuré par des « 7 places » qui ne sont maintenues en vie que grâce aux efforts de multiples transformutations ? Les rares fois où le transporteur sénégalais se laisse convaincre de renouveler son parc, c’est quand l’État le supplie tout en mettant la main à la poche. Sinon, ne comptez pas sur lui pour, de son propre chef, investir dans l’achat de nouveaux véhicules de transport comme ses homologues du Mali. Sa stratégie est simple : gagner gros à petits frais. Un peu plus d’ordre et de professionnalisme dans le secteur des transports ne serait pas de trop. Tout le monde y gagnerait. Cette mission, l’État doit l’assumer et ce, quoi qu’il lui en coûte. Et cela doit commencer par l’application, sans état d’âme, des recommandations issues des assises des transports du mois d’octobre 2024. elhadjibrahima.thiam@lesoleil.sn