Alors qu’on s’inquiète toujours de l’usage de l’alcool et de la drogue dans nos écoles, voici que nos élèves nous offrent un spectacle digne de strip-teaseuses, cette forme de divertissement dans laquelle un artiste se déshabille d’une manière qui excite sexuellement des personnes qui regardent. Comme quoi, l’école sait aussi se dénuder. Oui, le mot n’est pas de trop. La scène s’est déroulée, le 9 mai dernier, au terrain du Cdeps de Ziguinchor.
Elle est l’œuvre des élèves de l’école privée Saint Antoine de Padoue, au cours de la cérémonie organisée par le Foyer scolaire communément appelé Fosco qui, normalement, est une véritable institution au sein d’un établissement qui participe à l’animation de la vie socioculturelle et éducative. Sauf que le spectacle offert par les élèves n’a rien d’éducatif. Car, de jeunes filles de cette école n’ont trouvé de mieux que de défiler presque nues. Audacieuses, pour ne pas dire impudentes, d’une démarche obscène et ne portant qu’un soutien-gorge, un pagne très court, elles déhanchent sous les vivats d’un public nombreux constitué principalement de leurs camarades. Une scène outrageante pour parents et autorités académiques.
Abdoulaye Fané, président de l’Union nationale des parents d’élèves et d’étudiants du Sénégal (Unapees), de s’insurger contre ce qu’il appelle les « dérives constatées lors des Fosco et fêtes scolaires organisés dans les collèges et lycées du pays » (Cf. Pressafrik.com du lundi 12 mai 2025). Quant à l’inspecteur d’académie de Ziguinchor, après avoir dénoncé ce qu’il qualifie d’« écarts contraires aux valeurs éducatives et morales que promeut l’école », a promis de situer les responsabilités. Ce qui s’est passé à Ziguinchor n’est point un cas isolé. Au rythme où vont les choses, si rien n’est fait, notre école deviendra un véritable lieu de dépravation alors qu’elle est censée être celle de l’éducation, de la socialisation et de la citoyenneté. « Instruire, socialiser et qualifier », telle est la mission de l’école, disait l’ancien directeur de la Formation et de la Communication (Dfc) du ministère de l’Éducation nationale, Abdoulaye Diatta. En mars dernier, nous le faisions remarquer dans une de nos chroniques : ce noble devoir de l’école s’effrite de plus en plus. Oui, notre école a longtemps perdu son rôle d’éducation.
Elle est tout simplement devenue un lieu d’enseignement. Il n’est donc pas surprenant qu’alcool, drogue, port vestimentaire inadéquat malgré les uniformes, danse obscène dite « leumbeul » y prospèrent. Des décisions administratives sont prises par-ci par-là, comme la décision de l’inspecteur de l’Education et de la Formation (Ief) de Louga, d’interdire, dans sa circonscription académique, le « sabar » (tam-tam) et le « simb » (faux lion) lors des activités du gouvernement scolaire (Cf. Seneweb.com, 4 juin 2024) et celle de l’inspecteur d’Académie de Ziguinchor ou tout simplement du ministre qui, à travers une circulaire, demande à encadrer les activités des Fosco. Quant aux organisations de la société civile, elles s’indignent, pendant que les parents sont totalement désorientés. Preuve que l’école connaît une vraie crise des valeurs. Ce qui amène à s’interroger sur la mission éducative de l’école d’aujourd’hui. Et on est tout à fait d’avis avec Papa Abdou Fall de l’Université Cheikh Anta Diop.
Citant plusieurs auteurs comme Olivier Reboul, Bruno Mattéi, Jean Château, Célestin Bouglé, il fait noter que « l’éducation est nécessaire. Même si elle ne peut pas tout, on ne peut rien sans elle. Sans elle, rien d’humain ne se fait. L’éducation doit être distinguée de l’instruction. Eduquer n’est point simplement instruire, et instruire n’est point encore éduquer. L’instruction se limite souvent à faire connaître des savoirs et des valeurs. Or, faire connaître n’est pas encore faire aimer. L’éducation, quant à elle, doit faire connaître et aimer les savoirs et les valeurs pouvant assurer une bonne organisation sociale et une promotion d’un bon idéal de vie. Elle doit être active, participative et libératrice. Elle doit socialiser l’individu et faire de lui une personne. (Cf. Papa Abdoul Fall : Crise des valeurs et éducation, Revue Akofena, 2022 : https://www.revue-akofena.com). daouda.mane@lesoleil.sn