Des billets noirs d’une contrevaleur totale de 3,581 milliards de francs Cfa ont été saisis dans les régions de Kaolack et de Fatick, entre fin juin et début juillet 2025, par la douane sénégalaise. C’est devenu une véritable ritournelle au Sénégal. Le virus de l’argent facile s’est propagé à une vitesse incroyable. Tout le monde veut être riche et la fin justifie les moyens. Aujourd’hui, on vit à l’ère des faussaires, surtout avec la contrefaçon qui a pris une nouvelle dimension grâce à l’évolution technologique. On assiste à l’émergence de faussaires astucieux, intrépides et d’une ingéniosité extraordinaire, qui produisent des billets d’une telle qualité qu’on a du mal à les distinguer des vrais. Qu’il est loin le temps de Abdou « Khaliss », cet homme originaire du Sine Saloum, précisément du village de Keur Ambo, qui s’était investi du pouvoir de multiplier au double toute somme d’argent. Il avait, grâce à son prétendu « pouvoir », écrit sa propre légende. D’ailleurs, lors de son procès qui s’était tenu le jeudi 9 août 1979, au Palais de Justice de Kaolack, l’un des avocats de la partie civile l’avait surnommé « banquier ambulant ». Très futé, Abdou « Khaliss » avait fait courir le bruit selon lequel il pouvait multiplier au double toute somme d’argent qui lui était remise. Son aura en bandoulière, il allait de village en village. Il remettait 40.000 à ceux qui lui donnaient 20.000 FCfa et 200.000 FCfa et ceux qui lui en donnaient 100.000. Son modus operandi était simple. Chaque fois que quelqu’un sollicitait ses services et lui donnait de l’argent, il lui demandait d’attendre trois jours, « le délai nécessaire pour consulter les esprits », disait-il. Il profitait de cet intervalle pour donner l’argent qui lui était versé à un autre client en attendant d’en plumer une autre proie. Le mécanisme s’était enrayé quand les montants avaient explosé pour atteindre les millions.
Arrêté au Saloum et transféré à Dakar en février-mars 1976, le directeur de la Sûreté lui avait demandé de faire une démonstration en présence de deux responsables de la Bceao. Après deux tentatives réussies avec brio, il avait réclamé à Abdou « Khaliss » une troisième qui ne connaîtra pas de suite. Il prétexta alors qu’il lui était interdit de passer la nuit hors de chez lui. Le directeur de la Sûreté lui avait accordé ce privilège. Il avait renvoyé le « faiseur de miracles » à Keur Ambo pour y dormir sous haute surveillance policière. Le lendemain, il avait été ramené à Dakar, mais point de démonstration. Et le comble dans toute cette histoire, c’est que l’enchanteur n’avait que 500 FCfa en poche. Démasqué, Abdou « Khaliss », défendu par Me Valdiodio Ndiaye, avait argué qu’il tenait son pouvoir de Dieu et qu’Il ne répondait plus à ses appels.
Plus de quatre décennies après cet épisode, les faussaires foisonnent dans notre pays et font la pluie et le beau temps. Ils ont, grâce aux progrès de la technologie et les techniques de contrefaçon raffinées, supplanté les marabouts multiplicateurs de billets rendant la tâche de détection de plus en plus complexe. Ils constituent une menace sérieuse pour l’économie. Heureusement que les forces de l’ordre, notamment les soldats de l’économie, consentent d’énormes efforts pour lutter contre ces malfrats qui aiment l’argent facile.
Dans un monde où avoir de majestueuses villas, de rutilantes voitures, de sulfureuses femmes, une stabilité financière est perçue comme la clé d’une vie heureuse, tous les moyens sont bons pour être plein aux as et mener une vie de Pacha. On fait argent de tout, oubliant les recommandations divines. « Et recherche à travers ce qu’Allah t’a donné la Demeure dernière. Et n’oublie pas ta part dans cette vie. Et sois bienfaisant comme Allah a été bienfaisant envers toi. Et ne recherche pas la corruption sur terre. Car Allah n’aime point les corrupteurs », invite le Très-Haut à la sourate Al-Qasas (Le récit) au verset 77. L’argent et les plaisirs terrestres ne sont pas en soi de mauvaises choses ; c’est l’excès d’attachement à ces choses qui est abject. La fabrication de faux billets est une activité criminelle réprimée par la loi. Malheureusement, les faussaires sont réfractaires à la sensibilisation, à la conscientisation.
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