Il y a des actes qui écœurent. C’est dans ce lot que l’on peut classer les trois spectacles invraisemblables qui, en une semaine, ont marqué la vie des Dakarois le mois de décembre dernier.
D’abord, un camion soulève sa benne et percute une passerelle à Yoff Tongor, l’endommageant sérieusement. Ensuite, un autre qui transporte un Caterpillar heurte une autre passerelle sur la Vdn. Enfin, comme si cela ne suffisait pas, un conducteur d’un troisième camion a eu l’outrecuidance d’arracher une borne flambant neuve de l’autopont du Front de terre (qui vient pourtant d’être ouvert à la circulation il y a un mois) pour permettre à son camion chargé de bois de passer.
C’est comme si ces chauffeurs se sont passé le mot : détruisons tout sur notre passage. Ces actes traduisent tout simplement ce que d’aucuns appellent le mépris du bien public – si précieux qu’il soit -, voire l’absence de la citoyenneté dans le pays. Lors des manifestations, comme des loups dans une bergerie, impunément, on brûle, on vandalise tout. Plus rien n’échappe. Biens publics comme privés.
Même pas les lieux de culte, les établissements scolaires et universitaires. La grève récente des étudiants de Ziguinchor en est la parfaite illustration. Pas même les ambassades et consulats qui sont la vitrine de notre si dynamique diplomatie. Comme ces sites suscités, la spirale de la violence n’épargne pas les stades lors des matches de « Navétanes », championnats et lutte. Des violences qui s’accompagnent d’actes de vandalisme et de saccage d’infrastructures (tribunes détruites, pelouse incendiée…) comme ce fut le cas en 2021, au stade Ngalandou Diouf de Rufisque.
Certes, « la foule est folle », a-t-on l’habitude de dire, mais aucune revendication ne saurait justifier de tels actes. Le pire, c’est qu’on s’en glorifie parfois. Ignorance de l’utilité du bien public ? Absolument pas. Alors, comment expliquer de tels actes ?
Le Sénégal aurait-il échoué dans l’éducation de ses enfants ? Nous n’osons pas le croire. Sauf que les faits qui se déroulent sous nos yeux interpellent tout le monde, vieux comme jeunes. Une chose est sûre : ceux qui détruisent le bien public le font au détriment de tous et pas des hommes d’État.
Car, le bien public ne peut être individualisé et est nécessaire au fonctionnement de la société. Tel quel, il doit être protégé et respecté par tout citoyen, sans exception, parce qu’ayant été réalisé par la contribution de tous. Mais, au Sénégal, gare à celui qui rappelle à l’ordre son compatriote sur de telles destructions. Alors là, bonjour les insanités et surtout la fameuse phrase, l’une des plus détestables dans le pays : « alal bour » (la propriété de l’État). En réalité, tout le mal se trouve dans cette assertion : ce qui appartient à tous ne vaut rien. Détruisez un bien particulier, vous verrez où cela vous conduirait. Le coût matériel de nos actes ? On s’en balance (excusez du terme).
Ça ne vient pas directement de notre poche. Enfin, c’est ce que l’on croit. Puisqu’on oublie que c’est avec nos impôts, taxes et dettes contractées par l’État au nom de tous, que ces biens seront construits ou reconstruits. Peut-être que c’est parce qu’il n’y a pas de sanction que nous persistons dans nos comportements égoïstes. En effet, la sensibilisation, qui n’a que trop duré, paraît jusque-là improductive.