En matière de paradoxe, ils ne doivent pas être nombreux les pays en mesure de rivaliser avec le Sénégal sur certains points. Prenons le secteur des industries extractives par exemple. Dans ce domaine, notre pays peut se targuer d’avoir une conformité sur le plan institutionnel.
Car disposant de toutes les structures nécessaires pour conduire les politiques en la matière telles que des directions ministérielles (Géologie, Mine, Opérations minières…), le Comité de suivi du contenu local…Pour la bonne gouvernance, il existe le Comité national Itie, le Cos-Pétrogaz…Cette conformité se constate également aux plans légal et réglementaire avec des textes comme les Codes minier, pétrolier, la loi sur le contenu local, la loi sur l’encadrement des revenus…De ce point de vue, le Sénégal est bien doté. Mais le hic, et effectivement il y a un gros hic, c’est que malgré tous ces dispositifs institutionnels et juridiques, on n’a pas encore de conformité si on l’évalue en termes d’impacts et d’efficacité. Toutes ces lois aussi pertinentes et importantes soient-elles ne sont pas effectives dans beaucoup de domaines surtout par rapport à certaines dispositions notamment les différents fonds miniers, à l’image du Fonds d’appui au développement local (Fadl). Innovation majeure du Code minier de 2016, il est prévu que ce fonds soit alimenté par 0,5% du chiffre d’affaires hors taxes des entreprises minières en phase d’exploitation. Les collectivités locales abritant ces sites d’exploitation sont les destinataires exclusifs du Fadl (contrairement au Fonds de péréquation alimenté par 20 % des redevances minières et des droits fixes – et qui tombe régulièrement dans les caisses de l’État – qui, lui, doit bénéficier aux 601 collectivités locales du pays, mais n’a été redistribué qu’une seule fois par l’État, en 2019). Seulement, en amont, il fallait mettre en place un Comité national de suivi et d’évaluation des ressources du Fadl. Mais, figurez-vous, on a attendu neuf ans avant que cette structure ne soit créée. Ce n’est que le 20 février dernier qu’elle a été enfin mise en place. Encore qu’il a fallu que le chef de l’État en parle au cours du Conseil des ministres du 29 janvier dernier pour que le Comité voie le jour. En effet, ce jour-là, le président de la République avait demandé de faire le point sur le Fonds d’appui au développement des collectivités territoriales et les investissements en infrastructures sociales de base issus des prescriptions du Code minier. Le Président est parti du constat que l’exploitation des ressources minières dans plusieurs localités du pays ne participe pas activement au développement territorial et ne profite pas aux populations locales. Mais Bassirou Diomaye Faye ne s’était pas arrêté en si bon chemin.
Il avait aussi demandé au Gouvernement de définir avec les acteurs territoriaux un mécanisme consensuel d’amélioration des relations entre les sociétés minières et les populations. Il faut le dire, la cohabitation entre entreprises minières et populations riveraines n’est pas des plus sereines. Dès le départ, un malentendu survient à l’aune d’intérêts divergents. D’un côté, ceux qui cherchent le profit, de l’autre ceux qui estiment que les ressources exploitées leur appartiennent et qu’on les leur arrache sans qu’ils ne gagnent rien en retour en termes de bien-être. Ces logiques contradictoires sur le terrain rendent le secteur extractif conflictogène. C’est pourquoi l’effectivité des fonds peut être un moyen d’apaiser les tensions mais aussi un instrument de mesure des impacts sur le terrain et une grille de lecture des montants dépensés en faveur des collectivités locales par les entreprises minières. Jusqu’ici, en l’absence de ce Comité de suivi, ces dernières, avec l’autorisation du ministère, versaient directement ces fonds aux collectivités bénéficiaires sur présentation d’un plan local de développement ou d’un plan de développement communal. Certes, le dernier rapport de l’Itie informe qu’une quinzaine d’entreprises s’y conforment déjà, mais rien ne peut permettre de certifier que ces fonds sont réellement allés vers leur destination. Le doute est permis lorsqu’on voit l’état de dénuement dans lequel pataugent certaines communes accueillant les sites miniers. elhadjibrahima.thiam@lesoleil.sn