« Nos ancêtres les Gaulois » (Par Seydou KA)

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Autre époque, autres mentalités. Dans son autobiographie « A Life Looking Forward : Memoirs of an Independent Marxist » (Zed Books, 2006), l’économiste et célèbre militant altermondialiste Samir Amin raconte l’exemple « peu connu » d’enseignants qui ont refusé, au nom de l’assimilation, d’utiliser des « manuels pour colonies » et qui ont demandé à former leurs élèves avec les mêmes outils pédagogiques qu’en métropole. C’est là, écrit Samir Amin, l’origine des manuels enseignés aux enfants des colonies… « Nos ancêtres les Gaulois ».

« Ce n’était donc pas l’assimilation colonialiste qui faisait des petits Africains les descendants des Gaulois. C’était, au contraire, la volonté d’égalité des colonisées qui avait obtenu que l’universalisme signifiât que le même enseignement serait dispensé en France et partout dans la colonie. Les seuls vrais descendants des Gaulois, ce sont les écoliers de l’empire », écrit le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne dans son dernier ouvrage « Universaliser » paru en septembre 2024. Il faut rappeler que dans l’immédiat après-guerre, la voie fédéraliste était une vision progressiste. Samir Amin rappelle ainsi que si le Sénégalais Gérard d’Arboussier, qui fut Secrétaire général du Rassemblement démocratique africain (Rda), alors apparenté au communisme, et Léopold Sédar Senghor appartenaient à des camps politiques différents, ils partageaient l’objectif stratégique d’un État multinational, le premier croyant que cela arriverait à la suite d’une révolution socialiste en France, le second que cela se réaliserait par une évolution graduelle. On connaît la suite.

Au bout du compte, l’universalisme comme simple récit de soi colonial reprit vite le dessus et s’attacha à contenir et à contrôler la force cosmopolitique de la citoyenneté. Il fut très vite retenu que les habitants des colonies étaient certes des citoyens, mais seulement en tant qu’habitants des colonies. Le grand partage demeurait. Ce rappel montre comment les élites africaines de l’époque avaient du mal à imaginer un destin sans la France. L’esprit du temps a bien changé. Le soleil des indépendances s’est dissipé. Après six décennies de relations franco-africaines, des changements majeurs sont à anticiper. À commencer par l’un des symboles de la Françafrique : la présence militaire française en Afrique. Après les pays de l’Alliance des États du Sahel (Aes), trois piliers du dispositif, le Sénégal, le Tchad et la Côte d’Ivoire, ont annoncé presque simultanément la fermeture des bases militaires françaises sur leur sol. La vraie surprise vient de la Côte d’Ivoire. En annonçant dans son discours de Nouvel An le retrait « concerté et organisé » des forces françaises « dès ce mois de janvier 2025 », le président Alassane Ouattara a surpris tout le monde. L’ironie de l’histoire, c’est que Ouattara est arrivé au pouvoir grâce aux Éléments français en Côte d’Ivoire.

Sur le plan monétaire, beaucoup d’intellectuels africains pensent que le franc Cfa, l’autre pilier de cette relation, vit ses derniers moments, estimant que la France, supposée garante morale de ce dispositif, n’a plus les moyens de maintenir son influence économique sur cette monnaie. Ayant pris la mesure du changement, du moins sur le plan économique, la France s’active depuis quelque temps à réorienter sa diplomatie vers des partenariats économiques plus utiles avec des pays comme l’Éthiopie, le Nigéria ou l’Afrique du Sud. Les dirigeants africains doivent être à la hauteur de ce tournant historique et anticiper.

À la suite de ces développements, l’expression « nos ancêtres les Gaulois » prend une autre signification. Celle d’une domination française qui se conjugue plus que jamais au passé. Alors que l’ancien monde s’en va et que le nouveau tarde à se dessiner, il convient d’aborder cette question avec lucidité et une vision stratégique. Certes, le poids du passé demeure, mais malgré la profonde défiance, surtout de la jeunesse africaine, vis-à-vis de la France, il faut réinventer une nouvelle relation fondée sur le respect mutuel et un partenariat gagnant-gagnant. Le ressentiment ne saurait être une politique viable dans un monde de compétition.

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