La concomitance des attaques des groupes jihadistes contre les pays du Sahel central, dont les pays composant l’Aes, notamment le Burkina, le Mali et le Niger, en même temps que des pays côtiers comme le Bénin et le Togo, montre clairement la nouvelle dimension prise par le djihadisme en Afrique de l’ouest.
Les groupes comme le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim) ou l’État islamique au Sahel (Eis) ont reconfiguré les tensions sécuritaires dans beaucoup de pays. La semaine dernière a été ainsi marquée par plusieurs attaques de ces groupes dans des cantonnements militaires comme le camp de Boulkessi au Mali où même des soldats auraient été capturés selon les vidéos diffusées par le Jnim. Avant cela, au mois de mars, c’est le camp de Djibo, au Burkina Faso, qui avait subi le même scénario avec la mort d’une vingtaine de militaires et de Volontaires de la paix (Vdp), ces supplétifs de l’armée burkinabè. Au-delà des nouvelles capacités tactiques dont usent ces groupes djihadistes, notamment des assauts soutenus par des drones, il est clair que nous sommes dans un tournant majeur de cette crise sécuritaire avec des pans importants de territoires qui sont devenus des sanctuaires terroristes.
Cette nouvelle configuration repose ainsi sur les stratégies d’endogèneisation des revendications pour en faire les moteurs du recrutement des combattants. Il y a aussi la réorientation de l’économie criminelle ou de guerre pour trouver de nouvelles sources de financement. Exit maintenant le business des otages occidentaux ou nationaux qui n’est plus rentable comme auparavant. L’exploitation illégale de l’or avec les mines artisanales qui pullulent dans une bonne partie du Sahel permet ainsi aux groupes djihadistes de disposer d’importantes sources de financement de leurs activités à l’image de ce qu’ont été les « blood diamonds » (les diamants du sang) dans les conflits des pays du Mano River (Libéria, Sierra Leone).
L’autre importante source de financement, c’est le vol de bétail dans une zone où l’élevage extensif est pratiqué avec la transhumance des éleveurs. C’est ainsi que la question du pastoralisme est au cœur de ces nouvelles dynamiques du djihadisme sahélien. Cette problématique traverse ainsi autant des pays du Sahel central que des États côtiers comme le Bénin ou le Togo, surtout avec le phénomène des changements climatiques. La raréfaction de l’eau et des pâturages pousse ainsi les populations pastorales à migrer vers d’autres zones plus propices à leurs activités comme elles le font depuis des siècles. Ces déplacements les mettent ainsi entre l’enclume de la compétition foncière avec les agricultures et le marteau des tensions sécuritaires imposées par les groupes djihadistes qui trouvent au vol de bétail une façon de se financier.
S’y ajoute la porosité transfrontalière entre beaucoup de pays sahéliens avec souvent une absence de coopération interétatique. Ainsi, les changements climatiques aggravent la rareté des ressources naturelles en entrainant des conflits et des déplacements qui exposent des personnes vulnérables à de nouveaux risques du fait de nouveau rapport de force et de nouvelles dynamiques de pouvoir devant la pénurie des ressources. Il faudra, face à ces nouvelles couleurs prises par la conflictualité au Sahel et surtout l’ampleur de la pression sécuritaire du djihadisme, repenser les approches face à ce fléau qui, depuis plus d’une décennie, mine et mène la vie socio-politique dans cette zone. L’approche militaire, même si elle n’est pas la seule solution, doit être renforcée pour ainsi circonscrire la menace et avant de mettre en place d’autres solutions allant de la construction d’une cohésion nationale et sociale à la capacitation des populations à faire face aux défis économiques et climatiques. oumar.ndiaye@lesoleil.sn