Le succès de la conférence sur l’avenir de l’État palestinien, coprésidée par la France, l’Arabie saoudite et le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, tenue au siège de l’Organisation des Nations unies les 28 et 29 juillet derniers, montre clairement qu’un tournant s’opère dans le soutien occidental à Israël. Jadis uniforme et unilatéral, l’appui dont bénéficiait l’État israélien de la part des pays européens et américain n’a jamais connu de fissure ni de fioriture, tout au long de l’existence de ce pays. Placée sous leadership français, cette conférence avait pour objectif affiché de réaffirmer qu’il n’existe pas d’alternative crédible à la solution à deux États dans ce conflit israélo-palestinien.
Ainsi, pendant deux jours, les 125 participants à cette rencontre ont soutenu cette option à la tribune des Nations unies. Mieux, avec 14 autres pays, tous issus du camp occidental, un appel a été signé dans ce sens. Andorre, Australie, Canada, Espagne, Finlande, France, Islande, Irlande, Luxembourg, Malte, Nouvelle-Zélande, Norvège, Portugal, Saint-Marin, Slovénie sont ainsi signataires de cet « Appel » dit de New York exprimant leur volonté de reconnaître un État de Palestine, tournant important dans la résolution de cette crise qui valse d’une permanence à une latence du crépitement des armes. Même le Royaume-Uni n’a pas exclu de se joindre à cette dynamique diplomatique visant à créer un effet d’entrainement dans le soutien occidental à Israël. Quelque chose s’est donc passé jusqu’à pousser certains pays occidentaux à franchir un cap important avec la reconnaissance d’un État palestinien.
Cela a commencé il y a presque un an avec la décision de l’Espagne, suivie de la Norvège et de l’Irlande, d’aller vers une reconnaissance tacite et explicite de la Palestine comme un État avec ses attributs. C’est dire que l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 a eu des effets. Cette action de ce mouvement, au-delà de son caractère que certains ont condamné avec l’assassinat des civils, a permis de remettre le dossier palestinien sur l’agenda setting, en plus d’unifier le monde arabo-musulman, a surtout fracturé les opinions occidentales qui, de plus en plus, sont divisées. Les manifestations pro-palestiniennes dans les campus des universités occidentales, les plus prestigieuses comme Harvard, Columbia, Sciences Po Paris, ont clairement montré des fissures dans ces pays face aux images déroutantes, humiliantes et sanglantes en provenance de Gaza.
S’en sont suivis les multiples appels, émanant de voix autorisées dans plusieurs pays occidentaux, à une voie autre que la guerre, et également à une réévaluation du soutien sans réserve apporté à Israël. Même au sein des médias occidentaux, comme à l’Agence France presse, des récriminations n’ont pas manqué pour alerter sur la situation des reporters à Gaza. « Depuis que l’Afp a été fondée en août 1944, nous avons perdu des journalistes dans des conflits, nous avons eu des blessés et des prisonniers dans nos rangs, mais aucun de nous n’a le souvenir d’avoir vu un collaborateur mourir de faim », avait dénoncé dans un communiqué la Société des journalistes (Sdj) de l’Afp. Ainsi, pour la première fois, les Palestiniens trouvent des appuis de taille au-delà de leurs zones naturelles et normales de soutien que constitue le monde arabo-musulman. Plus proche de nous, la récente tribune de 73 universitaires sénégalais appelant à une rupture diplomatique avec Israël illustre clairement qu’au-delà des nuances et divergences du soutien occidental à Israël, un tournant diplomatique est en cours…
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