Exit la Tabaski, bonjour les dommages collatéraux. Avec la fête qui a laissé beaucoup de poches trouées, la galère et la dèche sont aujourd’hui les choses les mieux partagées. Ils sont nombreux ceux qui se sont mis dans un sacré pétrin et auront du mal à joindre les deux bouts le reste du mois ; un mois qui risque d’être aussi interminable qu’un jour sans pain.
Chez nous au Sénégal, les fêtes ont toujours été de vrais moments de réjouissances et nous sommes prompts à nous laisser emporter par notre folie dépensière pour faire plaisir à tout le monde et montrer que nous prenons très au sérieux ces célébrations. Nos ressources, parfois très limitées, ne nous empêchent pas de flamber en quelques jours, voire en quelques heures, nos petites économies si difficilement thésaurisées. Cette dérive collective est, au fil des années, devenue contagieuse et rares sont ceux qui y échappent. Le malheur, c’est que nous oublions assez souvent que les lendemains de fête sont toujours terribles. Quand les puits sont à sec, on sait ce que vaut l’eau, dit l’adage. Même le diable qui connaît bien les Sénégalais se barricade pour ne pas y laisser sa queue. Nous jouons à cache-cache avec nos créanciers.
Ceux qui ont un véhicule se rabattent sur les clandos, les usagers de taxis se bousculent dans les bus et autres cars rapides s’ils ne marchent pas. Les salariés se mettent à compter tristement les jours qui les séparent de la fin du mois. Et se surprennent parfois à dénigrer, vilipender et même à invectiver leur employeur parce qu’il a tardé à virer les salaires. Malgré cette fâcheuse situation que nous vivons à chaque lendemain de fête, nous sommes toujours prompts à recommencer. Lors de la prière de la Tabaski, notre imam a axé son sermon sur le gaspillage et la folie dépensière des Sénégalais. Il a rappelé au commun des croyants la nécessité d’épouser de bonnes méthodes de consommation, car le Seigneur interdit formellement la prodigalité, le gaspillage.
Seulement, notre environnement social encourage la dilapidation, surtout quand l’argent est acquis facilement. Et certains, sans nul doute éprouvés par la vantardise et incapables de dompter leurs âmes, s’adonnent à des dépenses débridées lors des fêtes et autres événements qui dévorent des sommes colossales qui auraient pu servir dans des choses beaucoup plus utiles. Et l’imam de rappeler que la folie de la consommation ne doit pas guider nos actes. Que la bonne utilisation de l’argent consiste à ce qu’il soit dépensé dans les nécessités envers soi, sa famille ou les nécessiteux. Le remède qu’il a prescrit, c’est de surveiller de près nos dépenses pour nous éviter une overdose de stress qui, parfois, peut diminuer sensiblement notre espérance de vie.
Après cette belle leçon qui risque fort de ne pas être sue, l’imam a bifurqué sur la thématique de la drogue, notamment le « yamba » (chanvre indien) qui fait actuellement des ravages chez les jeunes. Une autre source de stress pour les parents dont les enfants tombent de plus en plus dans le piège de la dépendance, de l’addiction. Il a longuement disserté sur les méfaits de cette herbe qui tue et qui a un impact dévastateur sur la santé des consommateurs réguliers, qui deviennent impulsifs, agressifs, adoptent parfois des comportements non rationnels. Les mots peinent même à décrire les véritables ravages qu’entraîne l’usage du « yamba » qui ruine la santé physique et mentale, encourage la délinquance, détruit les familles, aggrave l’insécurité et fait prospérer la criminalité. C’est fou comme la drogue (chanvre indien, cocaïne, héroïne, haschich, ecstasy, méthamphétamine, crack, kétamine) circule aujourd’hui dans notre pays.
Normal quand d’aucuns veulent toujours se faire de l’argent facile. Il ne se passe pas un jour, une semaine ou un mois sans que les médias n’annoncent d’importantes saisies, parfois record, et des arrestations par la douane sénégalaise, les forces de défense et de sécurité qui ont affiché leur détermination à faire en sorte que nos villes ne soient pas un supermarché à ciel ouvert de cette saleté. Le trafic est aujourd’hui banalisé et là également, nous ne sommes pas loin de l’overdose. Et l’imam n’a pas tort. L’addiction au « yamba » et autres substances psychotiques constitue un énorme défi de santé publique. Ainsi, la prévention reste une alternative pour sauver les plus jeunes de la tentation et les préserver de cette herbe qui rend dingue et tue, plus qu’elle n’apaise et soigne. sambaoumar.fall@lesoleil.sn