L’exercice du pouvoir n’est pas de tout repos. Non plus sans danger. Surtout après son exercice. Quand on observe ce qui arrive à l’ancien Président brésilien, assigné, aujourd’hui, à résidence pour non-respect des mesures de contrôle, on se rend compte de la vacuité du pouvoir des hommes. Jair Bolsonaro était déjà privé de son passeport et contraint au port d’un bracelet électronique. Il est jugé pour tentative de coup d’État et il risque une peine de quarante-trois ans de prison. Dire que sous certains cieux, un coup d’État peut faire valoir un pouvoir à vie. Avant lui, l’ancien Président français, Nicolas Sarkozy, avec ses multiples démêlés judiciaires, a été définitivement condamné à trois ans de prison dont un an ferme dans l’affaire « Bismuth ». Il est aujourd’hui lui aussi contraint au port d’un bracelet électronique qui semble devenir le moindre mal pour de nombreux bandits ou criminels à col blanc. Ces deux exemples, loin d’être exhaustifs, sur les liaisons dangereuses entre exercice du pouvoir et ennuis judiciaires, peuvent être démultipliés. Ils nous rappellent également les cas récents, en Colombie, de l’ancien Président Álvaro Uribe condamné récemment à 12 ans d’assignation à résidence pour entrave à la justice et subornation de témoins. De Berlusconi, également empêtré dans de nombreux scandales judiciaires et finalement condamné en appel à un an de prison pour fraude fiscale en 2013. Et plus près de nous, de celui de Hissène Habré, le défunt ex-Président tchadien, qui a écopé de la prison à vie à la suite d’une longue procédure pour celui qui était au pouvoir entre 1982 et 1990. Exilé au Sénégal, il sera jugé et reconnu coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre par les Chambres africaines extraordinaires à Dakar même.
Le cas de Habré n’est pas isolé en Afrique puisque de nombreux anciens dirigeants ont eu maille à partir avec la justice. Encore très près de nous, l’ex-Président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a été condamné en appel, en mai dernier, à quinze ans de prison ferme. Accusé d’avoir abusé de son pouvoir afin d’amasser une immense fortune, l’ex-chef de l’État mauritanien a vu ses biens confisqués et a été déchu de ses droits civiques. Dans le septentrion du continent, un tunnel judiciaire s’est ouvert pour Jacob Zuma, l’ancien Président sud-africain accusé de plusieurs scandales financiers à son départ du pouvoir. D’autres dirigeants ont fait l’objet de condamnations ou de poursuites pour des violations des droits humains. Laurent Gbagbo, finalement acquitté par la Cour pénale internationale (Cpi), est rentré en Côte d’Ivoire libre alors que le Libérien Charles Taylor terminera vraisemblablement sa vie en détention, dans le nord de l’Angleterre. En 2012, il fut condamné à une peine de cinquante ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, pour son implication dans la guerre civile qui ravagea ce pays dans les années 1990. Il fut le premier ancien Chef d’État condamné par la justice internationale pour ce type de crimes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et le seul jusqu’au 30 mai 2016. Ces nombreuses références démontrent que l’exercice du pouvoir n’est, en aucun cas, une garantie de jours paisibles après sa perte. De nombreuses causes peuvent motiver une accusation ou une inculpation. D’où l’urgence de s’armer, pendant son exercice, d’une bonne dose de lucidité pour des décisions éclairées. Surtout se garder de l’hubris du pouvoir. « Le pouvoir rend parfois l’être humain démoniaque, voilà pourquoi les hommes sont parfois la pire plaie qui existe sur terre », disait Jon Kalman Stefansson comme pour mettre en garde les tenants du pouvoir temporel. Les connaissances empiriques et la sagesse populaire ont permis d’asseoir les risques du pouvoir. Des risques qui ne dissuadent jamais, malheureusement, d’une exagération dans la conduite des affaires de la cité. Ou encore d’une exaspération que les sujets ou citoyens peuvent développer vis-à-vis des actes des dirigeants. Hérodote ne disait-il pas, « donnez tout pouvoir à l’homme le plus vertueux qui soit, vous le verrez bientôt changer d’attitude » ? Quelle serait donc l’alternative pour ne pas tomber dans le piège du pouvoir-prison-déchéance ? Probablement la lecture des faits du passé. Nous avions appris avec Michaël Foot que les « les hommes de pouvoir n’ont pas le temps de lire ; et les hommes qui lisent sont impropres au pouvoir ». Encore qu’il est possible d’emprunter un chemin vertical de la prison vers l’élévation.
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