Le Jour du dépassement, vous connaissez ? Les chercheurs et autres experts sont souvent très inspirés pour nous sortir des formules magiques. Quand il s’agit de scientifiques, toute trouvaille mérite une attention particulière. Ce jour de dépassement renvoie à la date à laquelle l’humanité a consommé toutes les ressources que la planète peut régénérer en un an. Cette année, le Jour du dépassement était le jeudi 24 juillet dernier. Ce qui veut dire que l’humanité a exploité toutes les ressources que la Terre met 12 mois à régénérer. En 2024, ce jour était tombé le 1er août.
Cela signifie qu’à partir de cette date, nous vivions « à crédit » pour le reste de l’année, utilisant plus de ressources que la Terre peut en produire. En 2023, ce jour était le 24 juillet, marquant une consommation encore plus précoce. En 1970, le Jour du dépassement intervenait le 29 décembre. Cette initiative est calculée par l’Ong Global Footprint Network et souligne l’importance de la durabilité. Cette date fatidique et repère recule d’année en année. Ce jour offre une opportunité de campagne de communication depuis 2006 pour l’Ong. Il est donc l’occasion de rappeler les limites planétaires, d’autant que le compteur ne repart pas à zéro à chaque 1er janvier.
Une situation qui appelle à une prise de conscience générale qui doit impliquer l’ensemble de nos sociétés : du tissu économique aux responsables des grandes puissances. Chacun, en qualité de citoyen, peut limiter l’exploitation des ressources naturelles, en raisonnant ses consommations d’énergie et d’eau, en réduisant les gaspillages ou encore en donnant une seconde vie aux objets. Plus le jour arrive tôt et plus la planète est en « déficit écologique » et s’éloigne d’une perspective d’équilibre renouvelable. Le Jour du dépassement est calculé en faisant la différence entre la capacité des milieux naturels, appelée biocapacité, et son utilisation par l’humanité, à la fois par sa consommation directe et pour absorber ses déchets, appelée empreinte écologique. Le recul du Jour du dépassement est quelque part anthropique. Le Jour du dépassement n’induit cependant pas une absence de nourriture pour la survie de l’humanité. Il pose surtout l’urgence de nourrir une population mondiale en croissance rapide, mais surtout d’une révision des systèmes agricoles, des écosystèmes, du partage des ressources, de la solidarité.
L’humanité n’est donc pas limitée à partir de ce jour plus que symbolique. Ou encore affamée. Le drame est ce contraste entre ceux-là qui ont une nourriture en abondance et les autres qui crèvent la dalle. Le jour d’avant ou d’après ne change rien au quotidien des populations de Gaza qui vivent une famine évidente aux yeux du monde entier. Les images d’enfants affamés, malnutris, émaciés, squelettiques, meurtris défilent ces derniers mois sur nos écrans téléphoniques ou télévisuels. Certains présentateurs prennent le soin de prévenir contre la violence de ces images. Des images de rixes, bousculades, de tensions pour rattraper un sac, un sachet de riz, de farine après les largages ces derniers jours de vivres. L’espoir est d’aller faire bouillir la marmite même si nombreux sont ceux qui rentrent bredouilles des centres de distribution de vivres. Une déshumanisation du peuple de Gaza au moment où la protection mondiale est importante pour faire vivre toute l’humanité. La malnutrition aiguë a augmenté à un rythme sans précédent dans la bande de Gaza. Les taux de malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans y ont quadruplé en deux mois, atteignant 16,5 %.
Ce qui laisse témoigner d’une détérioration critique de l’état nutritionnel et d’une forte augmentation du risque de décès par famine et malnutrition. « Ce qui est très particulier à Gaza, c’est que la famine y est fabriquée », explique Jean-Guy Vataux, chef de mission Médecin Sans Frontières (Msf) pour la Palestine et Jérusalem. Se permettant une comparaison, il avance qu’au Soudan, la crise découle de facteurs politiques et d’une économie de guerre. Alors qu’à Gaza, il ne s’agit pas d’un conflit économique, mais d’un verrouillage de l’aide humanitaire exercé par le gouvernement israélien. Il relève un élément d’importance capitale quant à l’impossibilité de fuir à Gaza. Alors, dans ce énième plaidoyer pour Gaza, l’idée est de pointer le doigt accusateur sur Israël, auteur de crimes contre l’humanité. Au jour d’avant et d’après. Avec la complicité de la communauté internationale.
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