«Un nouveau chapitre d’espoir » commence pour la République démocratique du Congo et le Rwanda ! C’est le président américain qui se réjouit ainsi, après la signature, vendredi dernier à Washington, d’un accord de paix entre les deux voisins, mettant fin à un conflit qui a fait des milliers de morts. En perspective de la fin de la violence qui a ensanglanté l’Est du pays, Donald Trump entrevoit la « prospérité » dans une région qui en est à son énième espoir de paix définitive. Et pour donner toute la solennité qui sied à l’évènement, il a reçu — rare privilège — les ministres des Affaires étrangères congolais et rwandais à la Maison-Blanche.
Si l’accord est respecté cette fois-ci, ce qu’on souhaite vivement, ce sont plus de sept millions de déplacés qui pourraient nourrir l’espoir de retrouver leurs foyers dans une région rendue inaccessible par l’insécurité et privée de nourriture, de médicaments et d’aides humanitaires. L’accord de paix prévoit des dispositions relatives au « respect de l’intégrité territoriale » de la Rdc, l’arrêt des hostilités dans l’Est du pays, mais n’évoque pas le sort qui sera réservé aux territoires congolais passés sous contrôle du M23, groupe armé qui serait soutenu par le Rwanda, absent du document. Il ne nous édifie pas non plus sur les motivations américaines dans un continent où les foyers de conflit à éteindre ne manquent pas mais cherchent désespérément sapeurs-pompiers (Soudan, Soudan du Sud, pays de l’Aes, Somalie). Ce mutisme sur un secret de polichinelle cache mal une volonté américaine de sécuriser l’accès et le transport des minerais stratégiques dont regorge cette partie de la Rdc. Outre l’étain, le tungstène, le lithium, le tantale, le coltan, le pays de Tshisekedi, vrai « scandale géologique », détient 70 % des réserves mondiales de cobalt. Selon la Mission de l’Onu pour la stabilisation en Rdc, l’extraction du tantale, utilisé dans la fabrication de produits électroniques, rapporterait aux rebelles du M23 la somme de 300.000 dollars par mois.
Sur la base d’une déclaration de principes signée par les deux pays le 25 avril dernier, sous la supervision américaine, un document préparatoire paraphé le 18 juin dernier à Washington, prévoit cinq dispositions dont la création d’un cadre d’intégration économique régional au sein duquel Kinshasa et Kigali devraient étendre leur coopération. Il s’agit, en réalité, de sécuriser les chaînes d’approvisionnement en minerais. Un langage diplomatique pour mieux enrober la transaction, qui avait fait réagir à l’époque le professeur Martin Ziakwau Lembisa, de l’université catholique du Congo, sur les ondes de Rfi : « Nous constatons que le point de départ, ce n’est pas la reconnaissance de l’agression de la Rdc par le Rwanda. Donc, on fait fi d’une réalité incontestable et on veut bâtir une autre réalité partant d’autres considérations essentiellement d’ordre économique ».
Ce n’est ni plus ni moins qu’une offensive pour contrer la République populaire de Chine, qui a une longueur d’avance sur les Américains dans la course au contrôle et à l’exploitation des minerais stratégiques. Dans cette rivalité dont le théâtre des opérations s’étend aussi en Afrique centrale, Pékin a déboursé plus d’un milliard de dollars pour réhabiliter le chemin de fer entre la Zambie et la Tanzanie et, Washington, 250 millions pour la voie ferrée reliant la Rdc et l’Angola dans un souci de faciliter les exportations du cuivre, un minerai essentiel pour le numérique et la transition énergétique.
L’aboutissement des efforts de Trump pour la paix survient alors que le président congolais, Félix Tshisekedi, se retrouvait isolé et impuissant face au M23 qui avait pris le contrôle des villes de Goma et de Bukavu.
Le défi maintenant pour les Congolais, c’est de tirer le meilleur profit de la convoitise suscitée par leurs ressources. Sur les 70 % de la production mondiale de cobalt qu’elle assure, la Rdc n’en raffine que 1 %. Au lieu de se limiter à fournir ces matières premières, le pays doit bien se positionner dans les chaînes de valeur de ses minerais critiques en générant des activités en amont et en aval.
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