L’escroquerie dont aurait été victime le footballeur Ismaïla Sarr vient s’ajouter à la longue liste de Sénégalais établis à l’extérieur qui se sont fait gruger de fortes sommes d’argent, croyant faire une bonne affaire. L’attaquant de Crystal Palace aurait perdu 64 millions de FCfa dans ce qu’il croyait être une bonne occasion d’acquérir deux appartements à la future ville de Diamniadio. Le gardien Alfred Gomis, son coéquipier en équipe nationale, lui aussi, n’y a vu que du feu lorsqu’on le roulait, il n’y a pas si longtemps, dans la farine, pour plus de 100 millions de FCfa dans une opération d’acquisition de camions et de maisons à Saly.
Loin d’être isolés, ces deux cas illustrent la perfidie de certains Sénégalais à l’endroit de leurs compatriotes qui gagnent leur vie à l’extérieur. De tels agissements envers notre vaillante diaspora sont devenus si banals que beaucoup d’expatriés réfléchissent à deux fois avant de mettre leurs billes dans une quelconque affaire au pays. Considéré comme un secteur moins risqué, l’immobilier est leur principal domaine d’investissement, étant presque sûrs de faire du profit ou de disposer d’un toit à la hauteur de leur standing. Mais combien sont-ils, ces expatriés « modou-modou » qui, après avoir fait des envois de fonds sur de plusieurs millions de nos francs pour un investissement, découvrent, une fois en vacances au pays, qu’ils ont été floués par leurs proches ? À leur déception, vient s’ajouter l’amertume de constater les dégâts pendant que la famille supplie, pour préserver sa cohésion, de renoncer à toute idée de traduire le frère ou l’ami escroc en justice.
La banalisation de ces pratiques a atteint un niveau tel que certains émigrés en sont arrivés à se méfier de leurs proches, s’ils ne leur tournent pas le dos simplement. Pourtant, notre pays a besoin de l’argent de sa diaspora mais doit l’orienter vers le financement du développement, c’est-à-dire dans des investissements générateurs de revenus et d’emplois. Ce qui n’est pas le cas. Selon la Bceao, sur les 1.842 milliards de FCfa transférés en 2023, soit 10,5 % du Pib, 79 % ont été absorbés par des dépenses de consommation. Cela atténue certes la pauvreté des ménages bénéficiaires mais ne profite pas beaucoup à l’économie. Le reste de ces flux financiers est orienté vers des secteurs refuges tels que l’immobilier ou le transport -qui créent peu d’emplois-, pour se préserver contre les mauvaises surprises. Pourtant, les émigrés disposent d’un large éventail de secteurs porteurs pour fructifier leur argent.
Mais existe-il un cadre pour sécuriser leur investissement ? Les initiatives ne manquent pas. Les régimes politiques qui se sont succédé à la tête du Sénégal, ces dernières années, ont mis en place des stratégies visant à apporter un accompagnement technique aux compatriotes expatriés dans leurs projets d’investissement. C’est le cas du Fonds d’appui à l’investissement des Sénégalais de l’extérieur, créé en 2008. Mais les résultats ne sont pas encore à la hauteur des attentes. Des ajustements s’imposent. Le nouveau régime espère mobiliser davantage l’argent des émigrés sénégalais, par le biais des diasporas bonds, dans un contexte de déficit budgétaire de 10,4% du Pib. Si l’initiative prospère, ce serait une belle opportunité pour diversifier les sources de financement de notre économie, mais surtout d’être à l’abri des risques de change inhérents aux euro-bonds. Des pays africains comme le Nigeria et l’Éthiopie ont réussi à solliciter leur diaspora à bon escient. Pourquoi pas le Sénégal ? Aussi, le vieux projet de banque de la diaspora, remis sur la table par le nouveau régime, pourrait compléter cet environnement financier à construire pour les Sénégalais de l’extérieur.