D’abord Bamako, Niamey, Ouagadougou. Ensuite Abidjan, Conakry, Freetown. À chacune de ces étapes, Ousmane Sonko a été accueilli en grande pompe, salué par des populations enthousiastes et déchaînées, fières de le voir et de le recevoir pour magnifier son parcours extraordinaire, tapis rouge déroulé, caméras et acclamations à l’appui.
Un contraste saisissant avec l’image que ses détracteurs lui attribuaient encore récemment : celle d’un leader isolé, infréquentable. Dans toutes les capitales ouest-africaines visitées, on a vu un homme d’État dans le vent de l’Histoire, respecté et adulé, redéployant une image nouvelle et ressurgissant tel un acteur majeur de l’Histoire. Un Premier ministre influent, complémentaire du président Bassirou Diomaye Faye, engagé dans une diplomatie résolument centrée sur la souveraineté africaine. En réalité, plus qu’un geste de courtoisie, cette tournée sous-régionale du président du Pastef, chef du gouvernement, est avant tout une opération politique maîtrisée, parfaitement orchestrée et destinée à envoyer un message clair à la communauté internationale : Sonko est là, et il compte.
Diplomatiquement. Géostratégiquement. À travers les rencontres et les différentes activités qui ont jalonné ce périple, le Sénégal redéfinit son positionnement régional. À l’ordre du jour : un discours assumé de pan africanisme, l’idée d’une souveraineté partagée, l’ébauche d’un nouvel ordre régional, et des liens renforcés avec des régimes actuellement marginalisés à l’international. « Coopération, solidarité et souveraineté partagée », a résumé le Secrétaire d’État au Développement des Pme/Pmi, Ibrahima Thiam, qui qualifie de « lucide et stratégique » l’esprit de cette tournée. Thiam a raison. Dans ce périple diplomatique, se joue aussi une reconquête politique sur deux fronts. Sur le plan interne, Sonko mobilise son capital politique, rassure ses partisans et réaffirme sa présence et son influence.
Sur le plan externe, il se repositionne, passant de l’opposant combatif à l’homme d’État écouté, respecté et entouré. Ce duel symbolique entre les figures dominantes du pouvoir se précise : le président Bassirou Diomaye Faye incarne l’autorité institutionnelle et rassembleuse, tandis que Sonko devient le Premier ministre politique, stratège et porteur d’un nouvel imaginaire régional. Deux voix, deux tonalités mais une vision souverainiste partagée par une grande partie des Sénégalais. Un expert en géopolitique l’a dit à juste raison : en rendant visite aux régimes de transition aujourd’hui marginalisés ou en rupture avec la Cedeao (Mali, Burkina Faso, Guinée), Sonko s’inscrit dans une autre vision de la coopération régionale, fondée sur l’affirmation des souverainetés nationales, en rupture avec les logiques néolibérales dominantes.
Dès lors, certains chroniqueurs et acteurs politiques qui se focalisent sur le fameux jet privé ayant transporté la délégation primatoriale, gagneraient à se concentrer sur l’essentiel : les retombées économiques (accords signés, emplois prévus) et les avancées diplomatiques (nouveaux équilibres d’influence) enregistrées en si peu de temps. Enfin et c’est également un autre élément réconfortant : des diplomates chevronnés l’ont également affirmé : ces visites du Premier ministre Ousmane Sonko sont un message clair envoyé à l’Afrique et au reste du monde.
Le Sénégal change de ton, réaffirme sa place et revalorise ses amitiés régionales. Ce n’est pas un reniement. C’est une ambition en marche. Une vision et une tactique politique bien pensée. Mais c’est bien évidemment un historique repositionnement du Sénégal dans les débats géopolitiques ouest-africains. Assumé. Et porteur d’espoir. Et surtout, c’est un coup politique bien joué qui renforce la stature d’homme d’État du Premier ministre. abdoulaye.diallo@lesoleil.sn