Dr Abdourakhmane Diouf, patron du parti politique Awalé, a une fois évoqué le déplacement de la capitale de Dakar à Payar, le point-centre du pays. Une idée saugrenue, à première vue, mais plus qu’intéressante si on s’y attarde.
Ce village de la région de Kaffrine, quasiment à équidistance de toutes les grandes localités du pays, peut mieux que Dakar contribuer à l’équité territoriale et à un développement national intégré. En effet, faire de Payar, ou toute autre localité centrale du pays, une capitale serait en faire un cœur battant du pays. La développer, en tant que capitale, va nécessairement impliquer la construction d’infrastructures routières et ferroviaires la reliant aux grandes agglomérations du pays. Du coup, non seulement la construction de la nouvelle capitale et les voies d’accès y menant vont donner de l’emploi aux Sénégalais, mais surtout revaloriser les localités traversées ; parce qu’en définitive, une route, ça donne de la vie. C’est la vie.
En plus, une capitale au centre du pays contribue plus à l’équité territoriale et réduit systématiquement les déserts infrastructurels. L’habitant de Fongolimby, comparé à celui de Bargny, mettra moins de temps pour arriver dans la nouvelle capitale. Une redéfinition du centre et de la périphérie ; une satisfaction non moins importance par rapport à ce qu’on pourrait appeler un sentiment d’appartenance nationale. Une justice territoriale. Avec moins de 1 % du territoire national, la presqu’île de Dakar concentre 25 % de la population sénégalaise et plus de 80 % de l’activité économique du pays. En plus d’être la capitale administrative et politique, elle est le siège du pouvoir législatif, mais aussi de celui judiciaire. Une hydrocéphalie notoire qui n’est pas sans conséquence sur le développement du reste du corps territorial sénégalais.
En effet, le transfert de la capitale au centre du pays est un pari risqué que des pays comme le Brésil, le Nigeria ou encore l’Indonésie ont tenté. Ils ont osé développer les nouvelles capitales que sont Brasilia, Abuja et Nusantara pour soulager les anciennes que sont Rio de Janeiro, Lagos et Jakarta. C’est aussi le cas pour les nouvelles capitales de la Bélize Belmopan, de la Tanzanie Dodoma et de la Malaisie Putrajaya. Ces cités ont respectivement remplacé Bélize City, Dar es-Salaam et Kuala Lumpur. Une façon pour ces pays de sortir de la dépendance de leurs métropoles et de corriger un déséquilibre territorial. À défaut d’ériger une nouvelle capitale au centre du pays, le Sénégal ne peut pas se permettre de faire l’économie d’avoir des métropoles d’équilibre. Ce serait une très belle occasion de sortir de la Dakar-dépendance. Il est vrai que la réforme territoriale est très chère aux nouvelles autorités politiques.
Elles ont prévu l’urbanisation de huit pôles économiques. Une belle façon de fixer les gens dans les terroirs ; de déconcentrer les pouvoirs, les richesses et les emplois. Faire en sorte que les Sénégalais n’auront plus forcément besoin d’aller ou de s’installer pour être et avoir. Car l’État doit donner à tous ses filles et ses fils, où qu’ils puissent se trouver sur l’étendue du territoire national, l’égale chance d’avoir accès aux opportunités. Ils ne doivent pas toujours avoir besoin de se rendre en capitale pour s’accomplir. S’épanouir.
Ailleurs dans le monde, on s’y est déjà mis. L’Afrique du Sud a développé plusieurs métropoles d’équilibre. En plus de la dynamique Johannesburg, vraie fausse capitale économique, le pays s’est doté de trois capitales à savoir Prétoria, Le Cap et Bloemfontein. La première capitale est administrative, la seconde législative et la troisième judiciaire. En plus de ces grandes villes, il existe d’autres centres urbains importants comme Durban, Port Elizabeth ou encore East London. D’autres pays comme le Maroc, l’Algérie et l’Égypte ont réussi à développer des métropoles d’équilibre. Le Cameroun (Yaoundé, Douala et Kribi), le Kenya (Nairobi et Mombasa), le Congo (Brazzaville et Pointe Noire) aussi. aly.diouf@lesoleil.sn