Ma cousine Anta est une adepte de l’abstinence. Elle est fière de pouvoir se préserver, considérant son corps comme un joyau à garder jalousement. Sa sœur Fatou, elle, opte pour le mariage, garant, selon elle, de sa dignité et de son équilibre. On a beau lui dire qu’elle vit dans une cage dorée, elle reste sur ses principes et assume ses choix. Leur cadette Bineta, qui a toujours revendiqué une liberté d’agir, opte pour le concubinage. D’un esprit révolutionnaire, elle remet en cause le statu quo érigé par des normes sociales.
Chacune d’elle essaie d’avancer des arguments valables pour justifier sa position. Anta, qui s’érige contre l’anarchie sexuelle et la promotion de l’obscénité, se plaît dans sa situation malgré les étiquettes de femme coincée qui lui sont collées. Bineta aussi trouve son bonheur dans le mariage même s’il bat de l’aile. Elle préfère le préserver et éviter ainsi la rupture familiale. Leur cadette Fatou a fait le choix d’une vie plus audacieuse. Taxée de tous les noms d’oiseaux, elle a choisi de peindre sa vie selon ses goûts et envies. C’est sa façon à elle de s’affranchir du joug machiste. Chacune y va à ses risques et périls. Anta, Bineta et Fatou illustrent, à quelques égards, autres, la diversité de profils dans le mouvement féminin. Leurs exemples rappellent, parmi d’autres, que l’univers n’a jamais constitué un bloc homogène. Il évolue et se meut dans la diversité, le pluralisme, voire la pluralité. Le féminisme n’a pas dérogé à cette règle. Il a toujours été porté par une multitude de profils avec un discours pluriel. Chaque partie essaie d’ouvrir une perspective plus large en opérant sur son terrain social.
La dissemblance se mêle souvent à l’antagonisme conduisant naturellement à des positions divergentes. Mais l’expérience a montré que les plus calées ont su laisser des traces indélébiles pour avoir su prendre de la hauteur. Elles font étalage de leur élégance et leur grandeur en exprimant leur désaccord avec courtoisie. Elles ont compris que le choc d’idées et la confrontation redynamisent la pensée, que l’uniformité ne pourra jamais être érigée en règle dans les sociétés humaines. Des femmes ont remis en cause des théories et contribué aux transformations sociales avec l’idée que l’indécence, sous ses différentes expressions, est contreproductive. Qu’il est important d’accepter l’autre dans sa différence et de garder les racines de son identité. Les propos de l’universitaire Makhtar Diouf ont toute leur portée. « Chacun façonne ce qui lui semble être vrai ou juste, il n’existe pas de vérité absolue, de déterminisme, chacun est le seul maître de ses croyances, chacun est un choix absolu de soi, bref l’être humain est libre et liberté ». Des incursions dans les différentes branches de féministes montrent cette réalité. Elles n’ont pas toujours les mêmes motivations et les mêmes approches.
Ses écrits renseignent qu’il est arrivé que « des féministes radicales dénoncent toutes les femmes qui ne partagent pas leurs convictions, comme des ennemies féministes, implicitement consentantes pour le viol des femmes ». D’autre part, « le féminisme lesbien a aussi été critiqué du côté de la gauche féministe qui lui reproche de réduire toute l’oppression des femmes à un problème sexuel, laissant de côté le contexte socio-économique, ignorant les différences de condition sociale entre femmes, or toutes les femmes n’ont pas les mêmes intérêts et les mêmes besoins ». Toute une dissertation est servie de part et d’autre, mais, quel que soit leur courant, toutes ont dénoncé en chœur, la fréquence du féminicide. Présenté comme un homicide volontaire dont le mobile est lié au sexe de la victime, il met à nu les pouvoirs démesurés octroyés à l’homme dans certaines sociétés. Mais en taisant des égos et en se constituant en bloc, il est bien possible de soulever des montagnes et d’arrêter la furie dévastatrice de certains mâles. Ils aiment surfer sur des notes discordantes… matel.bocoum@lesoleil.sn