Ils sont très bien prisés par les Sénégalaises et les Sénégalais des villes, ces nombreux produits-nature dont le madd (Seba senegalensis), toll (Landolphia endolori) et le buy fruit du baobab sont assurément les superstars. Servis et consommés sous leurs diverses formes (brute ou transformée), en galettes, concoctions ou breuvages en tout genre, ils séduisent et font courir, ces succulents et exotiques « fruits sauvages ». Ils charment et attirent beaucoup encore depuis que le marketing 2.0 a fait irruption dans le marché des friandises locales. Et que, modernité aidant, ils sont aujourd’hui proposés aux clients de tous âges, sous leur emballage multicolore et multiforme comme ces gobelets à la bio-dégradibilité douteuse. Ou simplement enroulés (comme depuis mathusalem et encore aujourd’hui), dans ce tout-venant si commun dans nos commerces : le papier journal si ce ne sont pas les mini-sachets plastiques dont on ne glosera jamais sur les effets ravageurs sur l’environnement. Madd et Buy sont bien dans le…game. Avec eux tous ces autres produits de la gamme comme ditaax (Detarium senegalensis) kadd (Acacia albida) et autres sidéem (Ziziphus mauritania).
On oublie ceux que l’écologie a rangés aux oubliettes comme waraac (la prune des savanes), neew (la pomme tropicale des mêmes terres semi-arides) qui ont disparu ou presque à la faveur des changements climatiques qu’ont favorisés les coupes sauvages de bois ayant meurtri la biodiversité qui les générait. On les aime et adoube malgré tout. Qu’ils soient présents sur les étals des tablières de nos quartiers ou bien achalandés dans les rayons des supérettes et des grandes surfaces. Et pourtant ! Très rares sont ceux qui dans les agglomérations urbaines (parmi nos compatriotes les plus jeunes surtout) qui peuvent vous en dire autant sur les écosystèmes originaires et les biotopes de ces espèces d’arbres et d’arbustes dont ils sont les dérivés et sous-produits. Et pour cause. Passée la glorieuse période d’expérimentation-vulgarisation au milieu des années quatre-vingt avec l’Institut de technologie alimentaire (sous la houlette de Dr Thérèse Basse et, plus tard, du Pr Guiro) ayant abouti à leur transformation semi-industrielle et à leur commercialisation, ces denrées rangées dans la catégorie des Produits forestiers non-ligneux, plus connus sous leur acronyme générique de Pnlf n’ont pas toujours bénéficié de l’attention nécessaire de la part des décideurs et des acteurs, ni des investissements qu’ils méritent.
Pourtant, ils ont des rôles multiples et assurent de nombreuses et tout aussi valorisantes fonctions. Ils sont une mine d’or enfouie dans nos bosquets, ruisseaux, ces Pnlf qui correspondent à un vaste spectre d’espèces provenant aussi des milieux terrestres et des terres d’eau, sources merveilleuses, en plus des « fruits sauvages » (le baobab, Adansonia digitata ou guy, l’arbre tutélaire qui donne le buy, Balanites aegyptiaca sump, Detarium senegalensis, Saba senegalensis madd) de tous ces autres produits que sont les huiles comestibles et cosmétiques (Eleis guineensis), et moult autres services et biens naturels comme le miel, le sel, les champignons comestibles, la gomme arabique, les plantes médicinales, etc. Les forêts d’où sont extraits ces produits remplissent de multiples autres rôles moins connus, parce que très peu documentés encore.
Comme tous les écosystèmes à très fort potentiel sur le plan de la préservation de la biodiversité et sur lesquels doit porter une attention particulière, les forêts (qu’elles soient continentales ou estuariennes comme les mangroves considérées à raison comme « les forêts mer ») rendent d’incommensurables autres services écosystémiques cruciaux pour la survie d’une frange importante de communautés humaines dont certaines, un peu partout dans le monde comme ici au Sénégal vivant dans des conditions d’extrême précarité n’ont d’autre issue pour source de survie que ceux qu’ils tirent comme sources de subsistance de ces mêmes forêts. (Voir Soleil numéro 16.465 du mardi 22 avril 2025, l’article inspirant de notre correspondant à Linguère, Abdoulaye Sadio sur le business florissant du sump dans le Ferlo). Les biens et services écosystémiques que les forêts procurent aux communautés sont incalculables : ils vont de la pollinisation, la purification de l’air, la formation des sols, la sécurité alimentaire, la génération de revenus, etc. C’est la raison pour laquelle la préservation des forêts occupe une place importante dans la démarche de conservation-préservation qu’introduit la nouvelle vision sénégalaise de la gouvernance des ressources naturelles dont le volet environnement-développement durable de l’Agenda de transformation Sénégal 2050 se veut le creuset opérationnel.