C’est la ruée vers les terres rares ! Chine, États-Unis, l’Union européenne (Ue)…se bousculent pour le contrôle de ces métaux. Leur appellation pourrait faire croire qu’ils sont plus précieux que l’or et le diamant. Mais, que recouvre même le terme « terres rares », qui revient sans cesse dans l’actualité mondiale ? Selon Géoconfluences, une publication en ligne à caractère scientifique, les terres rares sont des métaux et des composés métalliques utilisés dans un grand nombre de procédés de fabrication de haute technologie (batteries, écrans, téléphones portables, ampoules basse consommation, véhicules hybrides, rotors d’éoliennes, missiles, imagerie médicale, etc.). Contrairement à ce que laisse croire l’expression, ce ne sont pas des terres, leur rareté n’étant que relative.
L’expression en français proviendrait d’une traduction approximative de l’anglais « rare earth elements » (éléments rares sur terre). Sinon, les terres rares existent un peu partout sur la planète. Leur caractéristique, c’est leur très faible teneur en ces métaux. Il faut donc extraire et traiter de grandes quantités de terres pour obtenir de petites quantités de minerais. Le procédé d’exploitation à un coût énergétique, sanitaire et environnemental très élevé (usage d’eau et de produits chimiques polluants). À côté des sites d’exploitation, s’accumulent des déchets à la dangerosité aggravée par les produits chimiques utilisés.
Les éléments métalliques étant souvent combinés dans les gisements, il faut donc utiliser des produits chimiques pour les séparer. Selon la chercheuse Emilie Janots, « les gisements les plus importants ont environ 5 % de terres rares, mais dans la plupart des cas, c’est plutôt 1 % ». Elle ajoute qu’elles ont un rayon ionique proche de ceux d’éléments radioactifs comme l’uranium et le thorium. En résumé, ce sont des déchets radioactifs cancérigènes, néfastes à la nappe phréatique et à la biodiversité à cause des résidus toxiques. Le paradoxe est que les terres rares génèrent des déchets dangereux pour l’environnement alors qu’elles sont incontournables dans la production de technologies vertes, en l’occurrence l’éolienne.
Or, seulement 1 % de ces métaux en petites quantités est recyclé. L’omniprésence de ces minerais dans les technologies numériques (elles consomment un cinquième de la production mondiale), médicales, énergétiques et de l’armement, qui constituent 10 % du Pib mondial, en fait des ressources hautement stratégiques. Ils sont au cœur de la course vers une transition écologique durable. Donc, tout déficit de l’offre en métaux critiques, dont les terres rares, a des conséquences sur l’industrie de haute technologie. Le marché, qui était dominé par les États-Unis jusque dans les années 1980, est actuellement sous la mainmise de la Chine.
Ce pays assure 70 % de la production mondiale grâce à des investissements massifs dans la filière sur son territoire et un peu partout dans le monde, mais aussi à une bonne maîtrise de la technologie complexe de raffinage de ces minerais. Mais, pour les États-Unis, l’Ue, le Canada, l’Australie, etc., cette position dominante constitue une source de vulnérabilité et de dépendance vis-à-vis du rival chinois. Dès lors, les regards de l’Occident se sont tournés vers l’Afrique (Rdc, Tanzanie, Afrique du Sud, Gabon, Malawi…) où se joue la ruée vers les terres rares pour une autonomie stratégique. Un continent où la Chine a déjà une longueur d’avance pour garantir ses approvisionnements afin de répondre à la forte demande de son marché intérieur et aux exportations.
La compétition met au cœur du jeu les pays en développement, notamment le continent africain qui devrait assurer 9 % de la production mondiale d’ici à 2029. Malheureusement, à côté de l’impact socio-environnemental de leur exploitation, les terres rares alimentent, comme d’autres métaux, des conflits dans des zones, telles que le Sud-Kivu (est de la Rdc) où le M23 s’est emparé de terres riches en « minerais de sang » (coltan, étain, or tungstène, etc.), indispensables à la fabrication de certains composants de smartphones. Ailleurs, pour la résolution du conflit l’opposant à la Russie, l’Ukraine a accepté, hier, de signer un accord avec le président américain Donald Trump qui conditionne son aide à Kiev à un accès à ses terres rares.
Le Groenland, dont le sous-sol serait très riche, était aussi dans le viseur de Trump. Nul doute que ces minerais sont devenus le nerf de la guerre technologique.
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