L’édition du magal de 2025 a vécu. Dans la joie, la foi et le bonheur pour des millions de fidèles mourides qui ont convergé vers Touba ces derniers jours. Dans la douleur et la difficulté également pour bon nombre de familles locales et de pèlerins confrontés à de nombreux désagréments du fait des eaux pluviales.
Il était déjà connu que l’ouverture des vannes du ciel serait synonyme de pèlerinage difficile pour certains tant de nombreux quartiers sont des déversoirs naturels des eaux. Une situation qui, combinée au manque d’urbanisation, au déficit d’assainissement, à la promiscuité et à la densité humaine, rend les inondations invivables. Touba est aujourd’hui la ville la plus peuplée de nos cités après Dakar et Pikine, selon des données disponibles.
Elle est pour beaucoup dans le classement démographique de la région de Diourbel qui se retrouve avec plus de deux millions d’habitants derrière la région de Dakar avec ses 4 millions d’habitants, d’après les données de 2023. L’arrivée tardive des pluies avait fait espérer un magal sans encombre et des nuits plus paisibles. Mais voilà, la nature s’en est mêlée et a dicté sa loi, révélant encore toute sa puissance et la vulnérabilité des humains devant elle. Encore que nous savions déjà que la période hivernale avait beaucoup reculé avec une pluviométrie plus intense en août et septembre. Il fallait donc que les populations et autorités intègrent cette donne. Mais pas que, puisque les activités pluvieuses vont se poursuivre après le magal pour certainement faire plus de sinistrés dans les semaines à venir.
À Touba, comme à Kaolack ou dans d’autres agglomérations, l’heure doit être à une réflexion profonde englobant dividende démographique, croît naturel, taux de chômage, répartition de la population, occupation de l’espace national… Il ne sert donc à rien d’attribuer la paternité des eaux à un quelconque bord politique. Ce qui importe, c’est d’y faire face pour le bien des populations. En prélude au Magal, en début de semaine, le maire de Touba a révélé qu’entre 100.000 et 120.000 naissances sont déclarées chaque année dans la commune. Et Abdoul Lahad Kâ de relever que les « naissances déclarées ne font que 40 % puisque de nombreuses naissances ne sont pas déclarées et que l’état civil est débordé ».
Le niveau rapide d’évolution de la démographie de la ville de Touba la prédispose, à en croire le maire, à « dépasser la capitale en termes de démographie d’ici 12 ans ». Autrement dit, l’accroissement de la population est exponentiel. Il faut dire qu’au-delà des naissances, une « quarantaine de nouveaux ménages aménagent, venant de toutes les contrées du pays pour élire domicile à Touba, tous les jours ». Un phénomène noté également dans d’autres villes religieuses et résultant de la volonté pour des fidèles de se rapprocher de leurs guides religieux et de vivre en toute harmonie leur croyance religieuse ou confrérique.
Les autorités étatiques sont interpellées sur ces mouvements de populations, mais surtout sur les planifications à faire de concert avec tous les planificateurs pour une meilleure occupation spatio-temporelle. Mais surtout pour nourrir, occuper, trouver du travail, prodiguer des soins à une population très jeune. Si la population du Sénégal était de 4.997.000 habitants en 1976, elle est passée à plus de 18 millions en 2023, selon le cinquième Recensement général de la population et de l’habitat. Le taux d’accroissement moyen annuel, estimé à 2,7 % entre 1976 et 1988, a connu une baisse à 2,5 % entre 1988 et 2002.
Une diminution suivie d’une hausse durant la période 2002-2013 avant de se stabiliser à 2,9 % durant la période 2013-2023. Révélant donc une évolution rapide en raison de la diminution de la mortalité combinée à un niveau relativement élevé de la fécondité puisque l’indice synthétique de fécondité- le nombre moyen d’enfants qu’aurait une femme à la fin de sa période féconde- est passé de 6,4 enfants par femme à 4,2 enfants par femme en 2023, selon le Recensement général de la population et de l’habitat 5 de 2023. Rappelons également que le dividende démographique représente la « chance économique offerte (temporairement) par la situation dans laquelle un pays atteindrait son optimum dans le rapport entre la population « non-dépendante » (active) et la population « dépendante » (les plus jeunes et les plus âgés) ».
Ce dividende met en évidence les gains économiques, transitoires, dont dispose un pays en cours de transition démographique. Un grand chantier donc pour les autorités sénégalaises. À défaut de pouvoir bâtir des villes nouvelles avec un respect de toutes les normes, il serait judicieux de mettre de l’ordre dans nos villes pour ne plus se retrouver avec les mêmes problèmes chaque année.
De véritables plans Marshall pour redimensionner quasiment toutes nos villes qui brillent, la plupart du temps, par une occupation très anarchique de l’espace. Il est rare de voir des plans réguliers de nos quartiers, la plupart du temps dépourvus d’espaces verts dédiés. Encore qu’il est fréquent de voir des fidèles avoir des directions de prières distinctes ou oscillantes dans une même mosquée les jours de vendredi. Visitez nos cimetières où nos morts ne reposent pas bien alignés.
Ibrahima Khaliloullah NDIAYE