Inconsciemment, il fait un branchement clandestin, dépose ses ordures dans les canaux d’évacuation des eaux usées et s’empresse à ouvrir sa fosse septique en cas de pluie pour vider ses liquides puantes. Mais lorsque les inondations secouent sa maison, ce Sénégalais va pointer du doigt l’Etat pour «n’avoir rien fait en faveur des populations victimes d’inondations».
En ce début d’hivernage, les populations des zones inondables commencent à regarder le ciel avec anxiété. Est-ce que l’Etat a mis les ouvrages pour contenir les eaux? On y reviendra plus tard, mais l’objet de ces lignes est d’interroger nos actes de tous les acteurs. A-t-on intégré dans nos comportements habituels les gestes qui préservent l’environnement ? L’adage « mbed mi, mbed buur le » (la rue n’appartient à personne) a encore pignon sur rue. En bouchant les canaux de déchets solides, on ne doit pas s’émouvoir que ces ouvrages ne puissent pas contenir les eaux pluviales. Lorsqu’on détourne les voies initiales des infrastructures d’assainissement, on ne peut pas demander à ces installations de pomper les eaux incommodantes. Que dire de ces adeptes de l’incivisme qui arrachent les grilles de canaux d’évacuation pour les vendre aux ferrailleurs ? Ils exposent les usagers de la route à des accidents et posent les conditions de la destruction de l’environnement.
On pourrait en lister d’autres mais derrière les actes de l’Etat, il doit y avoir un sursaut citoyen pour protéger le bien public. Le Sénégal a souscrit à l’Objectif de développement durable 6 qui vise à assurer l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement. L’assainissement, dans ce cadre, concerne l’ensemble des mesures visant à collecter, traiter et évacuer les eaux usées de manière sûre et hygiénique, afin de protéger la santé humaine et l’environnement. Mais ce serait réducteur voire utopique de croire que l’Etat, seul peut assurer cette mission. Même si certains agents de l’Etat ne sont pas exempts de reproches. Sur la Bande des filaos, ces dunes de sable de Dakar à Saint-Louis, des agents publics ont, par exemple, délivré des permis de construire à l’Union des magistrats sénégalais (Ums), bénéficiaire d’une assiette foncière de 4 hectares en 2018 à travers un décret du président de la République.
Toutefois, le document présidentiel exige, en son article 2, une étude d’impact environnemental et social. Au moment où ces lignes sont écrites, l’étude en question n’est pas réalisée alors que les maisons sortent de terre. Ces responsables savent-ils que les filaos coupés y ont été érigés pour lutter justement contre les inondations et l’ensablement des maisons ? Face aux besoins d’urbanisation, il est aussi essentiel de prendre en compte la question environnementale. Car un drame environnemental aura forcément des ramifications sur le plan économique, sanitaire ou social tout court. Aussi, certains se sont plu à acheter des terrains dans des zones non aedificandi. A Dakar, d’après la Direction de la prévention et de la gestion des inondations, 1.398 parcelles dont 108 titres fonciers se trouvent dans des zones inondables, à la veille de l’hivernage 2025. Pourtant, notre pays n’est pas à la merci d’un flot d’eau important.
En effet, le Comité inter Etat de la lutte contre la sécheresse dans le Sahel (Cilss) a déjà indiqué qu’une saison globalement humide est attendue en 2025, avec des dates de démarrage précoces à normales sur la bande sahélienne. Si l’Etat indique que le dispositif est fin prêt, le pays n’est pas à l’abri des inondations, prévient l’Anacim. Car, avec les effets du changement climatique, il est attendu des précipitations dont l’intensité est tellement forte qu’en quelques heures, elles peuvent produire des quantités équivalentes à des pluies de plusieurs jours. Comme il est aussi possible, d’après les prévisionnistes, d’avoir des cas où beaucoup d’eau vont se déverser dans un endroit donné. Donc, Etat et populations doivent se donner la main pour que les eaux noient notre cadre de vie. En un mot, il faut un sursaut citoyen pour venir à bout des inondations. bgdiop@lesoleil.sn