Que vaut la souveraineté sans un contrôle total de son territoire ? Elle serait une utopie ou un trompe-l’œil, surtout quand des forces armées étrangères continuent d’occuper, ne se serait-ce qu’une parcelle de ce territoire.
Encore une fois, la souveraineté est totale et entière ou ne l’est pas. Le Chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye l’a bien compris, en annonçant lors de son discours de fin d’année « la fin de toutes les présences militaires de pays étrangers au Sénégal dès 2025 ». Le discours on ne peut plus clair du Président de la République de mettre un terme à cette incohérence vécue soixantaine quatre ans après notre indépendance est à magnifier. Une fois ce paradoxe réglé, le Chef de l’État sénégalais souhaite établir « une nouvelle doctrine de coopération en matière de défense et de sécurité ». Celle-ci doit être basée sur l’équilibre et le respect mutuel.
Même s’il a pris le soin de ne mentionner aucun pays dans son discours, le Chef de l’État s’est toujours opposé à la présence des bases françaises sur le sol sénégalais. Lui qui a bâti son magistère sous le signe du souverainisme ne pouvait encore accepter que notre défense nationale soit, en partie, léguée à d’autres forces. Dans un entretien accordé à des médias français à la veille du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye 44, il avait déjà donné le ton. « Soixante-quatre ans après l’indépendance, les autorités françaises doivent envisager d’avoir un partenariat dépouillé de cette présence militaire là, mais qui est un partenariat riche, un partenariat fécond, un partenariat privilégié et global comme nous l’avons avec beaucoup d’autres pays », avait-il annoncé en fin novembre.
Bassirou Diomaye Faye est donc resté droit dans ses bottes. Cette fois-ci, il semble donner un ultimatum au gouvernement français de régler, dans un commun accord, cette affaire avec les autorités sénégalaises. Quoi de plus normal et légitime ? Surtout qu’il ne reste plus que 350 éléments français au Sénégal (Efs) qui sont en général des formateurs. Il faut avouer, toutefois, que cet accord de défense entre les deux pays datant de 1974 avait été vigoureusement dénoncé sous le régime libéral de Me Abdoulaye Wade. Ce dernier qui ne pouvait plus tolérer cette présence de bases militaires étrangères avait pris l’option de négocier leur départ.
L’une des bases françaises, Bel Air, constituait un enjeu stratégique que chacun des deux pays voulait contrôler. Finalement, le Sénégal obtiendra la réduction drastique des militaires français présents à Dakar. De 1200 hommes, ces derniers sont actuellement au nombre de 350. Aujourd’hui, Bassirou Diomaye Faye ne fait que confirmer cette dynamique de souveraineté réclamée un peu partout en Afrique. La nouvelle génération d’hommes d’État en Afrique entend assurer pleinement leur sécurité. Dans « l’Art de la guerre », Sun Tse dit ceci : « Celui qui est à la tête des armées peut se considérer comme le soutien de l’État, et il l’est en effet.
S’il en a les qualités, l’État sera dans la sécurité ; si elles font défaut, l’État en souffrira pleinement et peut être exposé à sa perte ». Porté au pinacle au soir de la présidentielle du 24 mars dernier, Bassirou Diomaye Faye est prêt à assurer cette fonction de chef des armées. D’ailleurs, dans cette même dynamique, le 28 novembre dernier, à la surprise générale, le Tchad avait déclaré avoir mis fin à son accord de défense avec la France. Indésirable dans les trois pays de l’Aes (Mali, Burkina Faso et Niger), l’armée française est priée de plier bagage dans ses autres anciennes colonies. Les temps ont changé.