Lors de son récent déplacement au Bénin pour une visite d’amitié et de travail, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a indiqué avoir abordé, avec son homologue Patrice Talon, plusieurs questions d’intérêt sous-régional, avec en filigrane la supposée brouille au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).
L’une des entités communautaires les plus homogènes et les plus solides de notre espace, l’Uemoa, a été épargnée par les divergences en cours dans la région ouest-africaine. Ce qui fait qu’elle n’est pas encore dans une zone de turbulences. Après les divisions constatées au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), la région ne peut pas se payer le luxe de connaître d’autres fractures dans d’autres organisations communautaires.
« Concernant la Cedeao, nous revenons d’un sommet, et j’ai rappelé au président Talon les défis qui s’imposent à l’organisation, qui doit, comme l’Uemoa, se réformer », avait souligné le chef d’État sénégalais sur le perron de la présidence béninoise. Ce rappel du président Faye sur l’organe communautaire qui regroupe les pays ouest-africains utilisant le FCfa, fait suite à la réunion du Conseil des ministres des Finances qui s’était tenue le 12 juillet dernier à Lomé, au Togo.
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Le ministre burkinabè, dont le pays est membre de la Confédération des États du Sahel (Aes), a été privé de la présidence du Conseil des ministres. Lui et ses collègues du Mali et du Niger ont quitté la réunion pour protester. C’est ainsi que les présidents sénégalais et béninois ont décidé de jouer les bons offices pour raccorder les parties prenantes. Que ce soit la Cedeao ou l’Uemoa, elles sont souvent citées en exemple de réussite parmi les organisations communautaires en Afrique où l’intégration économique, monétaire ou politique est toujours balbutiante et chancelante.
La Cedeao coche presque toutes les cases de la théorie du chercheur hongrois Béla Balassa, le penseur le plus cité dans les études liées à l’intégration économique et politique. Ce dernier classifie les processus d’intégration par étapes qui commencent par la communauté économique, l’union douanière et la monnaie. Il ne manque à la Cedeao que cette dernière étape de la monnaie unique pour qu’elle soit, au niveau des structures d’intégration, l’une des plus abouties comme l’Union européenne. Dans cette communauté régionale ouest-africaine, les différences ont toujours été confinées dans les divergences linguistiques.
Aujourd’hui, les points de cassure se sont étendus aux aires géographiques et aux régimes politiques. Nous sommes passés d’anglophones vs francophones et aussi lusophones aux États côtiers contre les pays de l’hinterland, des démocraties face aux autocraties. Ces cassures risquent de s’approfondir et de nous donner une facture très salée que de nombreux pays de la région devront payer. L’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), si nous n’y prenons pas garde, risque de connaitre les mêmes zones de turbulences que sa « grande sœur », la Cedeao.
C’est pourquoi il est important, au-delà des réformes qui s’imposent à ces organisations dont certaines ont pris de l’âge avec des rides, de pouvoir s’adapter aux nouvelles donnes, particulièrement à la montée du nationalisme/souverainisme. Il faudra surtout, nonobstant les réussites indéniables, faire en sorte que les règles tacites et explicites qui régissent ces organisations communautaires soient réglées, quelles que soient les contingences ou les circonstances du moment. Sinon nous risquons les affres et les balafres de la désintégration…
Par Oumar NDIAYE (oumar.ndiaye@lesoleil.sn)