Il y a plus de quatre ans, dans ces mêmes colonnes, avec une chronique intitulée « Sous Biden, le multilatéralisme devra se réinventer », nous écrivions qu’« après les coups de semonce de quatre années de la présidence de Trump, le multilatéralisme espère une cure de jouvence avec un élan de relance au pouvoir de Joe Biden ».
Le mandat du successeur et prédécesseur de Donald Trump n’a pas été ainsi de tout repos pour le multilatéralisme qui a dû faire face à beaucoup d’obstacles. L’histoire du multilatéralisme post-Seconde Guerre mondiale est intimement liée aux États-Unis. En plus d’accueillir le siège de la plus symbolique et emblématique organisation multilatérale qui est l’Organisation des Nations unies, l’Amérique en est le premier acteur et bailleur avec ses environ 10 milliards de dollars (environ 5.000 milliards de FCfa) de cotisation annuelle qui constitue 20 % du budget de l’organisation. Forcément, chaque scène de ménage de celui qui abrite ce couple polygame va déteindre sur l’ambiance dans la maison.
Dans le premier mandat de Donald Trump, les désengagements des États-Unis sur les institutions internationales se comptaient plus que les doigts de la main. Le bras financier américain s’est ainsi rétracté sur beaucoup de programmes. Il y a eu d’abord l’Accord de Paris sur le climat, l’Accord sur le nucléaire iranien, le Conseil des droits de l’Homme, le Pacte mondial sur les migrations, l’Unesco, l’Agence d’aide aux réfugiés palestiniens (Unrwa), l’Onusida, l’Organisation mondiale de la santé. Ce retrait s’est encore fait plus sentir dans les engagements moraux de l’Amérique comme sur l’Usaid, qui est la plus grande agence d’aide au développement au monde. Cela va ainsi imposer aux organisations multilatérales une vraie traversée du désert marquée par de rudes épreuves et quelques rides tant l’oasis américaine servait d’abreuvoir et de réservoir.
Les coupes financières nouvellement imposées par la nouvelle administration Trump auront les mêmes conséquences que pour la première fois. De par son histoire et sa trajectoire, le multilatéralisme, malgré sa crise existentielle et actuelle, a aidé beaucoup de pays, dans toutes les régions du monde, à combler des vides de l’État et apporter soutiens et subsides. Dans leurs marches, certaines organisations multilatérales ont eu des résultats tangibles et d’autres moins palpables. Les coups de boutoir de la nouvelle administration américaine devraient ainsi pousser le multilatéralisme à chercher des échappatoires qui peuvent le prémunir de ces aléas liés à la politique intérieure des pays. Pour cela, il faudrait qu’il fasse un aggiornamento pour s’adapter à la montée du nationalisme-souverainisme dans presque toutes les régions du monde.
L’argent étant le nerf de la guerre et aussi de la paix que beaucoup d’organisations multilatérales promeuvent dans leurs actions et idéaux, il faudra ainsi une répartition assez équitable des cotisations pour que cela soit profitable à tous. Avec de nouvelles puissances émergentes dont la plupart viennent du Global South, celles régnantes comme les États-Unis ne doivent plus porter à bout de bras tous les efforts financiers pour faire fonctionner le multilatéralisme. De ce fait, ces puissantes régnantes ne pourront plus se prévaloir du poids de leur chéquier pour imposer que leur voix soit la plus entendue et/ou la plus étendue.
Au-delà des assauts exogènes venant de l’ancienne comme de la nouvelle administration Trump, il faudra aussi, de manière endogène, que le multilatéralisme dans des positions n’adopte pas une démarche chancelante et hésitante comme il a été remarqué ces dernières années sur beaucoup de questions internationales. C’est seulement avec ces postures qu’il pourra avoir des échappatoires face aux coups de boutoir d’une administration américaine qui n’est pas à son premier coup d’essai…
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