Les régimes se succèdent et les difficultés de l’école s’accumulent. Les maux de l’éducation sont largement connus. Et si rien n’est fait, on restera à la traîne. Notre école a besoin d’être repensée. Et c’est l’une des ambitions des nouvelles autorités.
Celle-ci repose sur la « transformation systémique » du pays qui, selon ces autorités, passe forcément par la transformation du citoyen. Autrement dit sur la nature et la finalité de l’école. Cette finalité qui « doit s’articuler sur les trois traits essentiels que sont : l’efficacité sociale, l’efficience civique et l’ouverture d’esprit, c’est-à-dire la compétence culturelle », comme le rappelait, le samedi 1er juillet 1989, dans son discours d’usage lors de la remise des prix du Concours général sénégalais, Pape Abdoulaye Ndiaye, professeur de philosophie, censeur des études du Lycée Ibou Diallo de Sédhiou. Toutefois, cette tâche est une gageure au Sénégal tant notre système éducatif a du mal à se débarrasser des scories héritées de la colonisation. Cela, malgré les gros efforts entrepris depuis les États généraux de l’éducation et de la formation (Egef) au début des années 1980.
Les initiatives d’adaptation et d’innovation n’ont pas manqué. Mais, personne ne peut nier qu’il existe une véritable crise d’éducation dans notre pays. L’on a l’impression que le citoyen sénégalais est sans repères, laissé à lui-même. Nul doute que l’entreprise d’éducation incombe à la fois à la famille, à l’école et à la société. Mais plus qu’à l’école. Aujourd’hui, toutes ces entités ont presque baissé les bras. Du moins, c’est l’impression qui se dégage. Il n’y a qu’à voir les comportements des gens dans la rue, à la maison, au bureau… La transformation systémique tant souhaitée ne saurait être une réalité sans la citoyenneté, mais aussi et surtout une révision de notre manière d’enseigner et quoi enseigner. Le Sénégal ne peut pas se développer si sa population ignore son identité, sa culture, son histoire. À quoi bon d’insister, depuis des années, à enseigner l’histoire d’autres pays, au moment où nos élèves ignorent tout de notre histoire ?
Pourtant, la nôtre n’a rien à envier aux autres. Mais, l’élève sénégalais connaît mieux Socrate le Grec et ignore tout de notre Socrate national, Kocc Barma Fall. Également rien de certains de nos royaumes, des enseignements de nos illustres guides religieux tels que Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadj Malick Sy, El Hadj Omar Tall, Baye Niass, Limamou Laye, Bouh Kounta, entre autres, qui ont imaginé des projets pédagogiques reposant sur la maîtrise du savoir, du savoir-être et du savoir-faire. « Dormir sur la natte des autres, c’est comme si l’on dormait par terre », rappelait l’historien Joseph Ki-Zerbo, citant un proverbe africain dans son ouvrage : « La natte des autres. Pour un développement endogène en Afrique ».
Ensuite, les programmes de notre école doivent reposer sur nos valeurs, nos us et coutumes, bref notre culture à laquelle s’est attaquée la politique d’assimilation coloniale française, nous faisant perdre nos repères. Or, disait le grand timonier, Mao Zedong : « Chez autrui, on emprunte la technique, pas la culture ». C’est le chemin emprunté par les pays asiatiques et scandinaves. Ceux-ci ont réussi à construire un système éducatif avec des programmes basés sur les compétences, les technologies, le tout adossé à leur culture, leurs valeurs. Telle doit être la vraie finalité de l’école. daouda.mane@lesoleil.sn