À chaque fois qu’une crise secoue le secteur du sucre, un concept revient avec insistance. C’est la Déclaration d’importation de produits alimentaires communément appelée Dipa. Il s’agit d’un document qui donne autorisation à une entreprise ou une personne d’importer sur le marché sénégalais, des produits alimentaires.
Si les textes réglementaires stipulent qu’elle est « obligatoire et permet aux autorités de contrôler la qualité des produits alimentaires », elle ne manque pas de susciter plusieurs problèmes, surtout quand il s’agit du sucre. En effet, chaque année, le ministère du Commerce définit la quantité de sucre à importer pour couvrir le gap de production de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css), seule productrice de sucre au Sénégal.
Dans un rapport publié il y a quelques années, la Cour des comptes en disait d’ailleurs beaucoup sur le manque de régulation de la délivrance des Dipa, pour le sucre. « Contraitrement aux produits horticoles, il a été noté l’inexistence d’un comité chargé de la délivrance des récépissés de Dipa sur le sucre et l’absence de critères précis pour leur attribution de ces Dipa », relevait la Cour.
Dans le détail, elle révélait que le dispositif qui doit déterminer les quotas d’importation n’était pas respecté. En effet, il doit se faire suivant la délivrance de quotas affectés à trois catégories d’acteurs. La Css, les acteurs de la filière et enfin un quota dit de sécurité. Il est important de préciser que cette répartition se fait aussi sur la base de critères objectifs, mais aussi en fonction des achats effectués auprès de la Css, afin de promouvoir les produits fabriqués localement. Une façon de protéger le tissu industriel sénégalais.
Mais l’histoire récente a montré que des attributaires de Dipa se sont permis plusieurs excès. Par exemple, et c’est la Cour des comptes qui l’a décelé, « des dépassements de quotas d’importation de sucre accordés aux industriels ont été relevés ». Pourquoi ?
La réponse est à chercher dans les avantages tarifaires. La position tarifaire relative au sucre destiné aux industriels est plus avantageuse que celle destinée à la consommation des ménages. C’est dans ce méli-mélo que vivent la Css et les commerçants depuis plusieurs années maintenant.
En effet, soucieuse de l’écoulement de sa production, la Css avait demandé « l’arrêt des Dipa distribuées à tour de bras, au risque d’une cessation de paiement ». Impossible pour les commerçants qui soupçonnent une volonté du groupe de Jean Claude Mimran « de conserver le monopole de la production, de l’importation et de la distribution du sucre ». Ils estiment d’ailleurs que le segment de l’importation ne doit pas être ouvert à la Css, dont le cœur de métier est la production. Malgré ces rouspétances, la Css se tape une belle part dans le segment de l’importation, toujours grâce aux Dipa. En 2019, le gap des Dipa était estimé à 30.000 tonnes et la Css avait importé les 10.000 tonnes. En 2020, sur les 60.000 tonnes importées, les 20.000 l’ont été par la Css. C’est l’ancien ministre du Commerce, Aminata Assome Diatta, qui révélait les chiffres quand la Css déclarait souffrir des Dipa. Aujourd’hui, ce monopole de la production qui dure depuis plusieurs décennies serait-il en train de toucher à sa fin ? Les informations fournies par le ministre du Commerce sur le plateau de la Rts 1 semblent aller dans ce sens. Serigne Guèye Diop a révélé l’implantation de deux nouvelles usines de production de sucre dans la région de la Casamance, précisément dans les zones de Kolda et Ziguinchor. Un projet qui vise à « renforcer la production locale de sucre et à réduire la dépendance du pays aux importations ». « Les études sont très avancées. L’initiative s’inscrit dans une stratégie visant à mettre fin au monopole existant dans le secteur sucrier au Sénégal. Notre gouvernement est contre le monopole. Ce n’est même pas normal que depuis 50 ans une seule entreprise ait le monopole », a-t-il clairement affirmé.
Par Oumar FÉDIOR