C’est le tube d’hivernage ! Des candidats au Bfem ou au Baccalauréat pris en flagrant délit de tricherie. Cette musique commence à ronronner tant l’habitude de l’inacceptable s’est installée dans notre quotidien.
Le faux est dans la salle, en passe de devenir le candidat le plus régulier à nos différents examens. Il n’est pas inscrit sur les listes. Pas besoin ! Comme une camelote sous l’aisselle d’un vendeur véreux, la triche arrive sous la semelle des élèves indélicats ; ceux-là qui prennent le mérite pour un conte des temps anciens et un pâle véhicule de propos moralisateurs à l’ère de la dérégulation de tout. La vertu fait vieux jeu car chaque génération éteint la lampe de la précédente pour penser détenir la lumière de l’Humanité. Le temps semble suspendu aux caprices d’une cuvée qui pense que le point culminant de la civilisation reste son propre temps. Une époque où l’effort est comme une ressource ringarde lorsque tout concourt, à la faveur de la technologie, à faciliter les contacts et les apprentissages. Les dérapages également ! Le clic donne une grosse claque à la morale, couvrant de honte les tricheurs pris la main sur le téléphone ou carrément dans la toile, naviguant clandestinement pour trouver des réponses à des questions abordées par des leçons non sues. Du moins normalement !
La banalisation de l’indignité est renversante. Le hit-parade de cette indécente indifférence à la valeur de l’effort défile au fil et à mesure que les corrigés changent de mains. Il s’agit des corrigés manuscrits, donc non officiels, et non des corrigés officiels. Soit. Toujours est-il que les jeunes faussaires ou leurs parrains ont eu accès aux sujets. C’est un véritable tour du Sénégal de la tricherie avec des élèves pris par dizaines. D’un coup, 42 dans une grande ville, 5, 10 voire 20 dans d’autres centres du pays ! Les stratagèmes révèlent une ingéniosité plus éprouvée pour tricher que pour apprendre des leçons. J’ai souvenance du cas d’une élève autant caustique que tragique dans l’alibi trouvé : une correspondante lui a proposé les corrigés en ligne pour les mathématiques, la physique et la chimie, l’histoire et la géographie. Un vrai paquet pour chahuter le PAQUET, ce programme que la crème de l’Éducation nationale s’est échinée à mettre en place pour que les élèves tutoient l’excellence (Programme d’Amélioration de la Qualité, de l’Équité et de la Transparence).
Elle a souscrit à une vraie tontine de la triche par le biais d’un groupe WhatsApp en lieu et place des efforts surhumains consentis par d’autres camarades sacrifiant à la fameuse « traversée » pour nommer une nuit blanche studieuse. N’ayant pas beaucoup écrit alors que le temps passait, la jeune élève espérait la délivrance par voie de communication. Une délivrance, oui, tant l’école est considérée comme un fardeau ! Les franchissements des tests de rigueur ne font plus rêver. L’image de forces de l’ordre traquant les tricheurs est un désaveu pour l’éthique académique. C’est une profanation des citadelles du savoir qui est consécutive à une profanation de la symbolique de ce même antre de la connaissance par la magouille. Toutes les valeurs éducatives professées par toutes les chaires ne suffisent plus à transmettre aux élèves la fierté de franchir les étapes de leur vie scolaire à force de persévérance et de probité. Les surveillants ne suffisent pas, en hommes et femmes de l’art, à veiller sur les candidats.
Il y a un autre cap avec le cachet pénal propulsé au premier plan. C’est également un désaveu pour la famille comme cellule de préparation à la vie en société, pour les moments lisses comme pour les traversées rudes. Ce cadre de socialisation forge l’enfant, futur citoyen de premier plan. Ce fléau académique est donc, également, un mal sociétal. Ce délitement des valeurs éclabousse l’école dans laquelle sont transbordées les tares sociales. L’école est l’apprentissage de la résilience, de la probité, de l’effort, de l’abnégation, de la discipline, de la fraternité, du respect, de la transmission, etc. Hélas, lorsque le fil est coupé, la société envoie des hordes de barbares à l’école qui, elle-même, n’échappe pas à cette contamination au regard de la forte suspicion sur l’origine de certaines fuites. Regardons-nous en face : dans nombre d’administrations, les cloisons entre le secret et la publicité ne sont plus étanches. Pour être juste, c’est plus une question de rapport individuel à l’éthique que de modèle institutionnalisé. Il y a une relation cognitive à étudier entre la grosse tentation du jeu et la désaffection de l’école.
Les jeunes qui se prennent les pieds, les mains et les poches dans les paris sportifs n’hésitent pas à parier sur des sujets qui devraient être proposés à l’examen. Peu importe le programme, ils sont prêts à programmer leur échec en se livrant au hasard des leçons, histoire de ne pas tout apprendre. Ces jeunes qui misent des sous sur des matches de football n’hésitent pas à casquer pour des corrigés supposés. Ils ne torturent plus leur esprit pour comprendre des leçons. Ils trouvent des solutions du farniente de leur cervelle plus enclin à porter la dernière coupe extravagante qu’à résoudre une équation. Cette même tendance produit une armée de bricoleurs, qu’ils soient maçons, menuisiers, mécaniciens, journalistes, avocats, chauffeurs, infirmiers, médecins, auditeurs, comptables, informaticiens, ingénieurs, pharmaciens, sociologues, marins, architectes, chirurgiens, pilotes, etc. Qu’en adviendra-t-il de nous ? L’élimination de ces hordes du faux coûtera moins cher que les conséquences de leurs agissements sur notre quotidien. Ils détruisent, par exemple, l’âme et le code éthique d’une société. Cette rebuffade sonnera le glas de la culture de la courte échelle.