Elles étaient déjà leaders, en tant que femmes de la haute administration sénégalaise ; même si, pour la plupart, elles peinent encore et pour des raisons que l’on sait, à franchir le plafond de verre et assumer des rôles stratégiques à des positions de décision.
Elles sont désormais « linguères » au service de l’équité et du développement durable pour avoir réussi à s’extirper du plancher de colle. Et de prendre à bras-le-corps, en tant que femmes, fonctionnaires et citoyennes averties des enjeux liés aux transformations en cours dans leur pays, ce crucial problème dont les contours ont été définis dans le discours du ministre de la Fonction publique et de la Réforme du secteur public M. Olivier Boucal, à la solennelle occasion de la cérémonie de graduation dont elles ont été les stars du jour, hier, à l’Ecole nationale d’administration (Ena) de l’Académie de leadership féminin Ndate Yalla (Alf-Ny). C’est-à-dire de cette formation lancée en octobre 2024 dans le cadre du Projet « Doleel Admin » et dont le principal objectif de développement est de : « créer un cadre fédérateur où les femmes de l’Administration sont renforcées (…) afin qu’elles puissent exercer un leadership transformationnel et affronter avec sérénité et assurance leur vie professionnelle ».
Le bilan dressé, à cette occasion, par le ministre Boucal est sans ambages : il y a une position encore très minoritaire des femmes dans l’administration sénégalaise (seulement 20 % contre 80 % pour les hommes). Ce qui donne tout sens à l’annonce-choc, par lui faite, de porter en haut lieu le plaidoyer en faveur « de l’autonomisation des femmes ». Afin que suive dans la foulée une intégration dans la « sphère décisionnaire » et un impact notoire ressenti, à brève échéance, dans le plan de carrière des nouvelles graduées. Dans un contexte où les politiques publiques sont alignées sur le Référentiel « Vision Sénégal 2050 » comme Agenda national de transformation, il faudra, pour pérenniser les acquis importants de la formation Alf-Ny, que soit correctement adressée la question nodale (en tout cas, dans le champ précis de la gouvernance équitable de l’environnement et du développement durable) de l’écologie des ressources.
Pour que soient prises en compte dans la planification des politiques, ses différentes déclinaisons que sont vulnérabilités croisées affectant les femmes pauvres face aux effets adverses des changements climatiques et les disparités de genre dans l’accès aux ressources naturelles. Il s’agit, pour tout dire, de voir comment prendre en compte dans la gouvernance au quotidien, la place et le rôle des femmes dans la préservation de la qualité de l’environnement pour jauger de l’apport véritable de toutes ces travailleuses du pays dont l’activité dépend des ressources de nos écosystèmes. Et qui, pour être, à la fois mères et épouses, cheffes de ménage pour la plupart, donc au cœur des dynamiques communautaires de l’économie domestique dont elles sont les piliers sont de vraies « géantes invisibles » (Du titre éponyme de la magnifique et tout aussi inspirante installation artistique de la photographe Élise Fitte-Duval, présentée, en partenariat avec la Fondation Heinrich Böll Stiftung avec laquelle ces lignes sont en résonnance parfaite sur la situation de ces femmes).
Pour prendre en compte les situations locales et en rendre compte dans toute leur complexité, il faut un cadre global de la formation en leadership féminin fondé sur un paradigme rénové et réarticulé sur les nouveaux concepts et démarches que sont la pensée systémique et la prospective stratégique et territoriale. Cela, partant d’une option pédagogique chevillée à un alignement curriculaire plus marqué sur le concept de développement durable. Et plus en phase, cette option, avec ce que dit sur le sujet notre compatriote, le socio-anthropologue prospectiviste Aliou SALL pour qui : « Penser le développement durable c’est, prioritairement, penser et comprendre la complexité, car développement économique, développement social, équité intergénérationnelle, équité au niveau du genre, diversification des sources de croissance, fertilisation croisée des systèmes et modes de production, meilleure articulation entre eux, à tout le moins, pour éviter cette asymétrie et toute domination appauvrissante, à la longue ».
Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)