Le concept a le vent en poupe. Le nouveau gouvernement, pour ne pas rester en marge de la tendance, l’a greffé au ministère de la Microfinance. Tout récemment encore, le Premier ministre Ousmane Sonko a présidé un conseil interministériel dédié à l’économie sociale et solidaire (Ess). Petit à petit, le terme s’installe dans le vocabulaire officiel, et avec lui, une vision différente de l’économie. Précision de taille : l’économie sociale et solidaire n’est pas une activité parmi d’autres, ni un simple secteur de l’économie.
Elle est une économie à part entière, avec pour vocation de toucher l’ensemble du tissu productif de biens et services. Loin d’un gadget sémantique, elle a été dotée en 2021 d’une loi d’orientation dans la législation sénégalaise. Une loi qui explicite ce que recouvre exactement cette forme d’économie. L’Ess regroupe des activités économiques conduites avec une approche centrée sur la personne humaine, poursuivant une finalité sociale ou environnementale. Ces activités sont portées par des coopératives, des mutuelles, des associations entreprenantes, des entreprises sociales ou encore des acteurs de l’économie dite « populaire ». Ce ne sont pas les statuts qui font foi, mais la philosophie d’action. Et que l’on ne s’y trompe pas : l’agrément Ess ne s’obtient pas d’un simple claquement de doigts. Il faut d’abord démontrer, à travers des actions concrètes, que l’on soutient des personnes en situation de fragilité – qu’il s’agisse de précarité économique, d’inégalités sociales ou d’exclusion en matière de santé, d’éducation, ou encore de citoyenneté.
Le tout avec un impact positif sur la cohésion territoriale. Pour le ministère en charge, l’Ess se définit comme un modèle entrepreneurial favorisant l’inclusion économique, sociale et financière des populations vulnérables. Il s’agit de permettre à ces dernières de vivre dignement des richesses de leur terroir, en les insérant dans une économie formelle, structurée, génératrice d’emplois décents et de stabilité sociale. La loi d’orientation va plus loin encore. Elle qualifie l’Ess d’activité économique ayant pour finalité une réponse à un besoin social ou environnemental, générant un impact durable sur la personne humaine, la société et/ou l’environnement, que ce soit à l’échelle locale ou nationale. Derrière cette diversité de définitions se cache un socle commun : remettre l’humain au centre du jeu économique.
Car, dans l’économie sociale et solidaire, les ressources générées ne vont pas grossir des comptes en banque ou enrichir des actionnaires anonymes. Elles sont réinjectées dans l’activité elle-même, pour garantir sa pérennité, renforcer son impact et préserver son sens. L’idée n’est pas de spéculer sur le capital ou les parts sociales, mais de maintenir une activité utile, viable, équitable. C’est là, peut-être, que réside la véritable rupture de l’Ess : dans ce refus de la rentabilité comme unique boussole. Dans cette volonté de concilier efficacité économique et justice sociale. Dans cette ambition de faire de l’économie non pas une machine à exclure, mais un levier d’émancipation. oumar.fedior@lesoleil.sn