«Si vis pacem, para bellum », cette vieille maxime latine, traduction de « Si tu veux la paix, prépare la guerre », est en train d’être expérimentée par la politique de dissuasion menée par beaucoup d’États face à la permanence et à la latence des conflits dans le monde. Ces derniers mois, en France, le champ lexical des hautes autorités s’est renforcé de termes renvoyant à l’imminence, dans les années à venir, d’un conflit majeur en Europe avec la menace la plus prégnante et présente actuellement que constitue la Russie.
Le Général Thierry Burkhard, chef d’État-major des armées, a récemment indiqué que la Russie faisait de la France son premier ennemi en Europe. Ceci dans un contexte de retrait américain du vieux continent. « La Russie, en particulier, menace le plus directement aujourd’hui et pour les années à venir, les intérêts de la France, ceux de ses partenaires et alliés, et la stabilité même du continent européen et de l’espace euro-atlantique », lit-on dans la Revue nationale Stratégique 2025.
Ce document stratégique présente l’environnement de défense et de sécurité de la France et identifie les principaux enjeux dans ce domaine à un horizon temporel bien défini. Publiée juste avant les festivités du 14 juillet, moment phare dans la vie des armées françaises, il y est clairement indiqué que le renforcement de ses armées se poursuit de façon accélérée pour recompléter les nombreux matériels détruits en Ukraine, mais également pour développer de nouvelles capacités et renforcer son arsenal à l’horizon 2030.
L’augmentation substantielle du budget de la défense décidée par le président français Emmanuel Macron pour plus d’aptitudes de ses armées entre ainsi dans cette séquence pour se préparer et parer à toutes les incertitudes dans les années à venir. Toutefois, des choix stratégiques s’imposent pour une montée en puissance de l’armée française bâtie pour les Opex (opérations extérieurs).
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La guerre de haute intensité nécessite un effort conséquent en matière d’armement de la part de l’industrie de défense française sans oublier le retour du service militaire pour renforcer les effectifs. La volonté d’étendre sa dissuasion nucléaire aux pays de l’Union européenne comme l’Allemagne pourrait éparpiller des ressources nécessaires à ce réarmement français.
Le choix de rebâtir la puissance militaire française répond ainsi aux préceptes de la théorie du Réalisme qui postule clairement d’une observation froide de la réalité de relations internationales et une description de celle-ci marquées par les rapports de force entre les États. Cette théorie a été systématisée par deux écoles de pensées : l’école américaine et l’école française.
Cette dernière a comme chef de file Raymond Aron, auteur d’un ouvrage majeur et classiques sur les études sécuritaires et stratégiques (Paix et guerre entre les Nations, publié en 1962). Un des théoriciens du concept de l’équilibre des puissances et de la dissuasion, Aron a expliqué que la réussite de celle-ci dépend donc de trois facteurs.
« L’un psychologique (celui qui dissuade parvient-il à convaincre l’agresseur éventuel que sa menace est sérieuse ?), l’autre technique (que se passerait-il en cas de mise à exécution de la menace ?), l’autre enfin politique (quels gains et quelles pertes peuvent résulter, pour l’État objet de la dissuasion, de l’action d’une part, de l’abstention d’autre part ».
Selon lui, le facteur technique varie avec le progrès des armements ; le facteur politique dépend des circonstances diplomatiques en même temps que des armes ; le facteur psychologique enfin est fonction des deux précédents et du résultat, souvent indéterminé à l’avance, d’une épreuve de volontés. C’est fort de toutes ces considérations que la France met en avant ces postures et positions de dissuasions pour ainsi vouloir la paix en préparant…la guerre.
Par Oumar NDIAYE (oumar.ndiaye@lesoleil.sn)