Les médias rapportent que c’est la joie actuellement sur la Costa del Sol, le célèbre littoral méditerranéen de l’Espagne, et cette liesse des esprits ne serait pas seulement causée par le pollen du cannabis cultivé dans le Rif marocain, qui traverserait régulièrement par vents favorables le détroit de Gibraltar, pour se diffuser dans l’air ambiant et rendre les touristes hilares plus que de raison. Non, la raison est que l’économie espagnole fait exception dans une Europe au moral en berne, ses deux pivots allemand et français ne se portant pas au mieux.
Or, l’Espagne c’est aussi l’un des pays les plus affectés par l’immigration irrégulière en Europe, la destination privilégiée des pirogues qui déversent sur les plages des îles Canaries des milliers de jeunes (dont des nourrissons et des femmes enceintes), et ce, depuis des années maintenant. Performances économiques dans un contexte d’invasion migratoire. Comment comprendre ce paradoxe ? Selon les estimations de « The Economist », une publication de référence, ce pays est en passe de devenir « l’économie du monde riche la plus performante de 2024 », sur la base d’une série de mesures telles que la croissance du Pib, l’inflation, le chômage, la politique budgétaire et les performances du marché boursier.
Selon le journal, l’Espagne récolte actuellement les fruits des réformes qu’elle a eu le courage de mener il y a quelques années (réforme des banques et du marché du travail), mais aussi des investissements chinois. Elle s’est concentrée sur les services et n’a pas cherché à « fétichiser » l’industrie manufacturière. Où sont les Cassandre qui évoquent « une décadence civilisationnelle » en Europe du fait de l’immigration ?
Peut-être que l’Espagne est un mauvais exemple en raison de son passé (arabe jusqu’en 1492 avec la chute de Grenade), de ses héritages multiples, de sa proximité géographique, de la structure même de son économie, mais son expérience nous parle. Pourtant, il y a une douzaine d’années, le pays ibérique était pris dans une spirale mortifère de plans de sauvetage.
Pour se relancer, il a initié un ensemble de mesures visant à stimuler le secteur des énergies renouvelables, notamment l’abolition de « la taxe solaire » qui imposait des frais supplémentaires sur l’énergie solaire a contribué à l’essor des énergies vertes. Si son industrie a stagné, l’Espagne a repris des couleurs, en dopant sa chaîne de valeurs, exportant plus de services de conseil et de savoir-faire technologiques, « ainsi que du soleil et de la sangria », le tourisme donc, qu’on croyait pourtant plombé par l’image entretenue d’une Espagne envahie par des gueux venus d’Afrique subsaharienne ! Une autre leçon à retenir, selon l’hebdo « Le Nouvel économiste » qui revient lui aussi sur « les leçons du modèle espagnol », est « qu’il faut rester ouvert ».
Depuis 2019, la population active du pays née à l’étranger a augmenté d’environ 1,2 million de personnes. Certes, le tourisme et l’immigration y font flamber le prix de l’immobilier, mais le fait est que l’Espagne entrevoit l’avenir avec plus d’optimisme, selon les économistes, que la plupart de ses voisins européens. Il est difficile d’établir une causalité qui lierait cette éclaircie économique au flux de clandestins.
Mais il n’est pas interdit de rappeler que si le sud de l’Espagne est le jardin maraîcher de l’Europe (les images satellitaires d’une partie de l’Andalousie montrent « une mer de plastique », des serres agricoles), c’est en partie parce que la main-d’œuvre y est bon marché. Cherchez l’erreur !
Par Samboudian KAMARA