On a connu les voleurs et l’âne, célèbre fable de Jean de la Fontaine. Ce poème met l’accent sur une mésentente entre deux voleurs qui se disputent pour le vol d’un âne. Un troisième voleur intervient alors puis un quatrième qui ne prend pas part à la dispute, mais qui réussit, contre toute attente, à s’emparer du mulet au nez et à la barbe des trois autres candidats malheureux…
Mais chez nous, au Sénégal, nous avons notre Ameth Ndiaye et son âne qu’il a surnommé Modou Lô, certainement en référence au « roi des arènes ». Le gamin n’a pas pu cacher sa déception quand son âne, lors d’une course organisée lors de la célébration de la fête de l’indépendance, a refusé de s’ébranler quand le top départ a été donné. Suffisant pour déclencher l’ire et la déception du jeune Ameth Ndiaye, qui en réalité s’appelle Baïdy « Mbam », sans doute forgé dans l’envie de vaincre et de dépasser les autres. Désemparé, le petit qui avait beaucoup misé sur son âne lui a promis des représailles une fois à la maison. La vidéo a été virale sur les réseaux sociaux. Nous vivons aujourd’hui dans une société où l’on valorise les premiers, les plus forts, les plus beaux, les plus intelligents, les plus rapides, les plus productifs.
C’est pour cette raison que l’esprit de compétition est omniprésent. Que ce soit à l’école, dans le domaine professionnel, sportif et même dans la famille, il y a toujours des individus animés par cette flamme intérieure qui les pousse à se surpasser tout le temps pour atteindre la victoire à tout prix, à exceller dans tous les aspects de leur vie ; même s’il n’y a pas grand-chose en jeu à l’arrivée. Cependant, force est de reconnaître que l’esprit de compétition est loin d’être inné. La compétitivité s’invite dès la naissance, s’intensifie année après année et demeure présente tout au long de notre existence. D’ailleurs, la pyramide de Maslow place en son sommet le besoin de s’accomplir ; un accomplissement personnel qui se trouve au summum des aspirations humaines. C’est ce qui explique que dès notre plus jeune âge, la compétition se retrouve à des degrés divers en chacun de nous. Si certains en font une règle de vie, d’autres en revanche la laissent sommeiller dans leur tréfonds par peur de passer à côté, par peur de l’échec.
Ainsi, selon le sens qu’on lui donne, ce trait de personnalité peut avoir une connotation positive ou négative. Mais développer un esprit de compétition n’est pas très mauvais en soi, dans la mesure où il nous pousse à nous surpasser et à repousser inlassablement nos limites. Cependant, développer la compétition à outrance peut également engendrer des conséquences négatives, avec son lot d’effets désastreux sur le cours de notre existence. Au sein de plusieurs entreprises, la mise en compétition des travailleurs est parfois considérée comme une clé de voûte essentielle pour les motiver afin de les amener à booster la productivité de l’entreprise. Malheureusement, cette compétition ne se déroule pas souvent dans un état d’esprit sain, de sportivité et de respect mutuel. Elle est souvent détournée de son objectif et centrée sur l’égo. D’aucuns, en quête d’ascension sociale, sont plutôt préoccupés par leurs performances personnelles que celles collectives et n’hésitent pas à écraser leurs collègues pour exister. Une telle compétition est contre-productive et nuit fortement au développement de l’entreprise.
Dans la vie, personnelle comme professionnelle, l’ambition est un moteur nécessaire qui nous pousse à nous donner les moyens de réussir. Et souvent, elle peut aussi nous mener à un esprit de compétition excessif qui finit par nous ronger, nous détruire. L’esprit de compétition, tout en restant cette force motrice qui nous pousse à surpasser nos limites et à nous dépasser pour gravir les marches vers l’excellence, doit se pratiquer de manière constructive, dans un esprit sain, d’émulation. C’est pourquoi il nous faut toujours cultiver sainement cette flamme intérieure qui nous pousse vers la réussite, mais aussi trouver le juste milieu en gardant l’équilibre entre l’envie de gagner, mais aussi le courage d’accepter les défaites avec grandeur, dignité et fair-play. Ainsi va la vie. sambaoumar.fall@lesoleil.sn
Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)