Être à jour avec l’état civil. Permettre ainsi, avec la digitalisation accélérée et l’inscription parmi les priorités du New deal technologique, conformément aux souhaits du Premier ministre, de faire en sorte que tout le monde dispose d’un état civil. Un pas de géant serait franchi avec cette volonté politique exprimée par le chef du gouvernement sénégalais, avant-hier. Ce désir prend en compte la problématique des élèves candidats aux examens de fin de cycle élémentaire, du Bfem et du baccalauréat sans pièces d’état civil. Un problème récurrent qui, tel une hydre, vient anéantir des années d’efforts d’élèves qui se retrouvent comme « pertes » du système scolaire.
Des initiatives à saluer. La volonté de résoudre le problème est louable eu égard au fait que « plus d’un milliard de personnes sont « invisibles » dans le monde, car non enregistrées à la naissance et donc dépourvues de pièce d’identité ». Au Sénégal, cette absence d’enregistrement à l’état civil, un problème récurrent, montre qu’en moyenne, 20 % des Sénégalais naissent et meurent sans être déclarés. Ces personnes n’ont donc ni acte de naissance ni carte d’identité prouvant leur existence. Encore moins un passeport. Autant de pièces qui devraient leur permettre d’ouvrir un compte bancaire ou de disposer d’un permis de conduire. Ces personnes « invisibles » sont majoritairement situées en Afrique et en Asie. Des estimations de la Banque mondiale de 2023 chiffraient ces personnes sans existence officielle à plus d’un milliard 100 millions. Elles sont situées, en majorité, dans des zones touchées par la pauvreté, la discrimination, les épidémies ou les conflits armés. Elles n’ont aucun papier prouvant leur identité.
Le numérique serait donc une solution pour le recensement des populations et la confection de pièces d’état civil. Une étape à ne pas rater pour redonner à certaines personnes toute leur dignité humaine. Les treize mesures prises par le gouvernement sénégalais s’inscrivent donc une logique de « faciliter l’accès aux documents administratifs essentiels, notamment les actes de naissance, de mariage, de décès et de divorce ». Une révolution dans notre pays où le nombre de personnes concernées est important. Seulement, il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. La question de l’héritage, pas forcément liée à l’état civil, doit être abordée et réglée au regard des nombreux drames qu’elle charrie. Dans le sillage du mois dédié aux femmes, je m’appesantis sur le cas de Linda, nommons-la ainsi comme l’un des personnages du défunt comédien Sanokho. Elle a la quarantaine bien révolue. Divorcée et mère de deux enfants, Linda a une vie tourmentée ces dix dernières années.
Trimballant de chambre de location à chambre avec ses deux enfants devenus majeurs, elle court tous les jours pour chercher de quoi faire bouillir la marmite. Digne, elle rechigne à demander malgré le poids des charges et des responsabilités qu’elle ne peut point honorer. Pourtant, son défunt père était riche. Sans être Crésus, le pater était vraiment à l’abri du besoin. Divorcé de la maman de Linda avec qui il a eu deux filles depuis belle lurette, le père s’était remarié sans enfant avec sa deuxième épouse. Il habitait un quartier résidentiel. Il manifestait tout son amour à ses enfants sans pour autant mettre la main à la poche. Le décès du père de Linda devait être suivi de l’héritage. Elle devait, aux termes de l’héritage et après avoir encaissé sa part qui lui revient de droit, voir ses difficultés existentielles, à défaut d’être un mauvais souvenir, atténuées. Hélas, depuis deux ans, les choses ne bougent pas. Les rigueurs de la vie continuent de s’abattre sur elle.
Ses différents déménagements l’éloignent davantage de la capitale et elle se retrouve encore à ne pas avoir de quoi donner à manger à ses enfants. Sa grande sœur, plus à l’aise, a sombré dans la folie non pas du fait de l’héritage, mais des aléas de la vie. Elle ne veut même pas voir Linda en photo. Des oncles à elles semblent avoir fait main basse sur la fortune du défunt, se confondant tous les jours en promesses de lendemains qui chantent pour les héritières. La paperasse n’étant pas également tout établie alors que hormis les deux filles, le père n’avait qu’une épouse. Linda se retrouve à convoquer ses oncles du village pour un règlement définitif du problème. Sans avoir de quoi leur donner comme « ndogou ». L’État devrait assurer aux héritiers la disposition et la disponibilité de leurs biens face aux nombreux prédateurs de notre société. De nombreuses familles vivent un deuil prolongé du fait d’une non-exécution de l’héritage. ibrahimakhalil.ndiaye@lesoleil.sn