Il y a quelques jours, certains médias affirmaient que « les Eurobonds du Sénégal étaient en chute libre ». Mais comment un emprunt levé depuis plus d’un an peut-il être considéré comme étant en « chute libre » ? Pour y voir plus clair, il est d’abord important de comprendre ce que sont les Eurobonds. Également appelés euro-obligations, ce sont des titres qui permettent à un gouvernement de s’endetter sur les marchés internationaux, généralement en dollars.
Dans la pratique, lorsqu’un gouvernement a besoin d’un montant X, celui-ci est divisé en plusieurs titres qui forment une série d’Eurobonds. Les investisseurs qui les achètent deviennent alors les créanciers de l’État. Généralement, la valeur nominale d’un Eurobond est de 1 000 dollars. Chaque série dispose de conditions précises qui lient l’emprunteur – l’État – à ses créanciers, les détenteurs d’Eurobonds.
La première de ces conditions concerne la durée séparant la date d’émission des Eurobonds de celle de leur remboursement par l’État : c’est ce qu’on appelle le remboursement du principal. Ensuite vient l’intérêt, versé une à deux fois par an, sur la base de la valeur nominale, pendant toute la durée du prêt.
Alors, pourquoi dit-on qu’un Eurobond est en chute libre ? En effet, dès qu’il est émis, les analystes lui attribuent une valeur de base de 100. Mais cette valeur peut varier selon l’offre et la demande, c’est-à-dire selon le nombre d’investisseurs souhaitant vendre ou acheter ces titres sur le marché secondaire. Conséquence : si de nombreux investisseurs achètent les Eurobonds, leur prix augmente. En revanche, si le risque perçu est élevé – c’est-à-dire si l’on pense que l’État pourrait ne pas rembourser les intérêts ou le principal à échéance -, leur prix baisse. Et lorsque le prix baisse, le taux de rendement augmente, puisque la rémunération finale reste inchangée.
Pour en revenir au Sénégal, c’est en 2009 que le pays a réalisé sa première émission d’Eurobonds sur les marchés financiers internationaux. Elle avait permis de lever 200 millions de dollars, avec une rémunération de 9,25 % et une maturité de cinq ans. La plus récente émission remonte à 2024, avec une levée de 750 millions de dollars sur le marché international de la dette. Au total, le Sénégal compte sept émissions d’Eurobonds.
Un paradoxe ? Une erreur ? Pourquoi parle-t-on d’« Eurobond » alors que les montants sont libellés en dollars ? La réponse est à chercher dans l’histoire. Les Eurobonds ont été créés en réaction à un impôt instauré en 1963 aux États-Unis sur les intérêts perçus sur des obligations d’État ou d’entreprises étrangères. Cette mesure visait à décourager l’emprunt en dollars par les non-résidents, mais a eu pour effet de déplacer ce marché vers Londres. Le terme vient des « eurodollars », des instruments financiers apparus dans les années 1950, à la suite de l’afflux massif de dollars en Europe après la Seconde Guerre mondiale, notamment à travers le plan Marshall. D’ailleurs, c’est l’entreprise italienne Autostrade, gestionnaire des autoroutes du pays, qui a émis la première série d’Eurobonds en 1963, au Luxembourg.
Oumar FEDIOR