Le Monde Afrique a publié le 19 mars un article affirmant que « quelque 3 000 agents » auraient perdu leur emploi en moins d’un an au Sénégal. L’information, largement relayée et alimentant les débats, repose toutefois sur des données qui méritent d’être examinées de plus près.
Une source unique et des chiffres flous
À l’origine de ces chiffres, l’article cite le Rassemblement des travailleurs du Sénégal (RTS). Contacté par Soleil Check, son président, Boubacar Fall, confirme le chiffre avancé et précise même qu’il pourrait être supérieur. Il nous transmet un document de recensement qui mentionne plus de 3 000 personnes licenciées.
Cependant, une lecture attentive de cette fiche révèle une donnée surprenante : rien que pour le Fonds d’Entretien Routier Autonome (FERA), 26 000 personnes y sont inscrites. Or, après vérification, il s’avère que ces agents ne sont pas employés par le FERA, mais par les communes, avec des salaires financés par cet organisme à travers des conventions.
Des entreprises privées comptabilisées dans le total
Autre anomalie : plusieurs entreprises privées figurent sur la liste des licenciements supposés du secteur public. SAF Industrie, par exemple, y est mentionnée avec 161 emplois perdus. Or, contactée par Soleil Check, l’entreprise dément et précise que ses difficultés remontent à trois ans et concernent 131 personnes, non 161. Quatre autres structures privées apparaissent également sur cette liste, alors qu’elles n’ont aucun lien avec l’administration publique ou parapublique.
Boubacar Fall, président du RTS, reconnaît que la plupart des employés concernés dans le secteur public étaient sous contrat à durée déterminée (CDD). Or, selon des inspecteurs du travail interrogés par Soleil Check, les non-renouvellements de CDD ne sont pas considérés comme des licenciements, du moment que les indemnités légales sont versées.
Ces inspecteurs précisent également que le recensement officiel des emplois perdus en 2024 n’est pas encore disponible, mais que les chiffres traités jusqu’à présent sont « nettement inférieurs aux 3 000 annoncés ».
Un plan social cité, mais pas encore appliqué
L’article du Monde Afrique mentionne également l’Aéroport International Blaise Diagne (AIBD) comme ayant mis en place un plan social visant 514 salariés. Or, selon une source interne à AIBD SA, ce plan n’a pas encore été mis en œuvre, et aucun chiffre précis n’a été avancé.
Conclusion : des données à prendre avec précaution
L’affirmation selon laquelle 3 000 emplois de l’administration publique et parapublique auraient été supprimés en 2024 repose sur des données approximatives, mêlant entreprises privées et confusion entre prestataires et agents publics. Le chiffre avancé par le Monde Afrique ne s’appuie sur aucune source officielle, et le recensement en cours pourrait donner une tout autre réalité.