Ils s’appellent Makane Mbengue, Rufisquois, expert en Droit international établi en Suisse ; Arona Diop, Saint-Louisien et unique Africain sorti major, en automne 2024, au Concours interne en médecine au niveau international de la prestigieuse université McGill du Canada, une des Facultés de médecine les plus convoitées en Amérique du Nord ; Aichatou Sar Evans, Pdg sénégalaise de Zoox, filiale de voitures autonomes d’Amazon…
Ils sont juriste, médecin, ingénieur, sociologue. En réalité, ils sont légion ces Africains qui font bouger les lignes dans d’autres pays autres que les leurs, parce qu’excellents dans leurs domaines respectifs. Ils symbolisent ce qu’on appelle communément la fuite des cerveaux ou l’exode des cerveaux (Brain drain en anglais), c’est-à-dire une migration à sens unique de personnes hautement qualifiées, souvent du monde en voie de développement vers les pays industrialisés.
Outre des enseignants de haut niveau, le continent perd, chaque année, des ingénieurs, techniciens, informaticiens, spécialistes de la finance, sociologues, écrivains, médecins et professionnels de santé, étudiants…qui excellent, chacun en ce qui le concerne, dans son domaine et dont les études, pour la plupart, ont été financées par nos États.
Des Africains dont nos pays ont tant besoin pour assurer leur décollage économique. Hélas ! Les raisons évoquées pour expliquer l’exode sont, entre autres, la crise économique, la non-valorisation de la recherche scientifique, l’absence de laboratoires dignes de ce nom. La fuite des cerveaux qui a connu un regain après la Seconde Guerre mondiale continue de définir les rapports de force, notamment économiques, dans le monde, surtout en ce 21e siècle. D’où la bataille que se livrent certains pays riches pour attirer de nombreux talents étrangers. Dans tous les cas, la saignée est insoutenable pour le continent.
« Selon l’Organisation internationale des migrations (Oim), il y a, chaque année, près de 20 000 départs d’Africains hautement qualifiés vers les pays du Nord, plus attractifs en matière de salaire et de niveau de vie. Un chiffre sous-évalué par rapport à celui que nous donne l’Organisation de coopération et développement économique (Ocde) qui a répertorié au sein de ses États membres plus d’un million d’Africains titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur qui quittent leurs pays d’origine » (Cf. Brice Arsène Mankou : « La fuite des cerveaux : exil forcé ou mal être de l’intellectuel africain ? » 2021. Hal Open Science).
« Cette situation est d’autant plus dramatique que le retard pris par l’Afrique pour son développement économique ne cesse de s’allonger », ajoute Brice Mankou, vu que nous ne sommes plus dans une économie de matières premières (qui domine l’économie des pays en développement), mais bien dans un monde dominé par l’économie de la connaissance et de la technologie communément appelée « l’économie du savoir ».
Pour preuve, la réalité économique est dominée par les Gafam qui ne vendent que de la technologie et de la connaissance. Mais, la fuite des cerveaux ne saurait être une fatalité. Il nous faut simplement inverser la tendance. D’abord, former les meilleurs talents, notamment plus d’ingénieurs, de techniciens et d’ouvriers qualifiés.
Ensuite, travailler à attirer des industriels d’autres continents ; ce qui pourrait favoriser un transfert de technologie. Puis, relever le plus grand défi : retenir nos meilleurs cerveaux en Afrique. Enfin, exploiter le potentiel scientifique et technique de notre diaspora dont l’expertise est reconnue à travers le monde, à défaut de pouvoir les inciter à revenir définitivement. Nos pays peuvent aussi favoriser les cursus de courte durée.
En tout cas, le Fmi, dans son rapport d’octobre 2016, suggère d’encourager les cursus à courte durée. Conscient du fait que l’on ne peut pas arrêter de force l’hémorragie du continent qui dure depuis des décennies, il propose « de favoriser l’émigration de courte durée qui permet un retour des cerveaux dans leur pays d’origine ». En somme, un changement de paradigme s’impose à nos États..
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