S’il y a une chose qui enlaidit le paysage scolaire sénégalais, c’est bien la présence d’abris provisoires. Créés souvent par les populations afin de permettre de lutter contre les abandons scolaires et acceptés par les pouvoirs publics, ils ont fini par s’imposer dans la plupart des circonscriptions académiques du pays.
Certes, leur création est noble. Car, « il est préférable d’avoir un enfant dans un abri provisoire en train d’apprendre que de le laisser dans la rue », comme me le disait le regretté ministre de l’Éducation nationale, Pr. Moustapha Sourang. Et nous souscrivons à cela. Sauf que ce qui est provisoire est devenu pérenne. À ce jour, plus de 7.000 abris provisoires dans le système éducatif, malgré les efforts de l’État, qui avait initié le Programme de remplacement d’abris provisoires et d’ouvrages annexes (Prorap) en 2018, des partenaires voire des communautés. En décrivant le tableau sombre lors de la rentrée scolaire, l’actuel secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal (Saemss), El Hadj Malick Youm, avait affirmé que le système éducatif compte « 7.145 d’abris provisoires ».
Des chiffres qui varient selon les camps. En effet, selon l’ancien Directeur de la formation et de la communication (Dfc), porte-parole du ministère de l’Éducation, Mohamed Moustapha Diagne, « au total, on est passé de 8.822 abris provisoires en 2011 à 4.921 abris en 2022 ». (Cf. Dakaractu, avril 2022). Peu importe le chiffre. La réalité est que le phénomène existe bel et bien et continue de défigurer le visage de l’école sénégalaise. Conséquences ? Dans certaines zones, si les cours connaissent des perturbations (grèves des enseignants ou des élèves), le quantum horaire est difficilement atteint car, outre ces grèves, se greffent des obstacles liés généralement à des phénomènes naturels comme la pluie, le vent, etc.
Par exemple, dans le Sud et le Sud-Est du pays (régions de la Casamance naturelle et du Sénégal oriental), où la saison des pluies débute au mois de Mai, ces classes deviennent, du coup, inutilisables. Idem au Nord du pays lorsqu’il y a un vent de sable. Pire, ces abris servent de lieux de repos pour des reptiles dangereux comme les serpents et même des vaches et chiens errants en quête d’un site doux. Ils constituent donc un danger pour élèves et enseignants. Faits souvent de tiges de bambou fendues en petites lamelles qui sont tissées communément appelées « crinting » ou de paille, ils peuvent facilement s’effondrer, souvent sur leurs occupants.
C’est le lieu de rendre hommage à ces derniers notamment les enseignants qui acceptent d’exercer dans de telles conditions de travail. C’est dire que l’État avec ses partenaires ainsi que les communautés doivent fournir plus d’énergie pour résorber au plus vite ces abris provisoires, et pour emprunter le jargon médical, guérir ce que tout le monde considère comme étant la plaie de l’école sénégalaise.
L’actuel gouvernement se fixe un délai de cinq ans pour le faire. Néanmoins, la tâche semble titanesque puisque chaque année, le pays est obligé d’enrôler une cohorte d’enfants en âge d’aller à l’école. À en croire l’ex-Directeur de la formation et de la communication, Mohamed Moustapha Diagne, chaque année, il y a « 500.000 enfants qui doivent aller au Cours d’initiation (CI) ». (Cf. Aps, octobre 2023). Une mobilisation générale est donc nécessaire, l’école étant une affaire de la communauté. Il est heureux de savoir que l’Armée, par la voix de leur ministre qui a signé un partenariat avec son homologue de l’Éducation nationale, s’engage à jouer sa partition. Ce front uni est tout simplement une exigence citoyenne.
daouda.mane@lesoleil.sn
Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)