En prélude à la Journée internationale de la langue maternelle prévue le 21 février, l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif), à travers son projet « Elan » (qui promeut l’usage des langues maternelles dans le domaine de l’éducation), a lancé le concours « Écrivons un conte en langue nationale » pour célébrer la richesse et la diversité linguistiques et le rôle essentiel des langues maternelles dans la préservation du patrimoine culturel, la promotion de l’inclusion et l’accès à une éducation de qualité.
Cela peut paraître anecdotique. Mais il demeure plein de sens. Il est même plus qu’un rappel. Celui de ne point oublier la richesse de notre patrimoine culturel qui peut être un important levier pour la qualité de nos systèmes éducatifs respectifs. Ce patrimoine, qui renferme chants, musiques, proverbes, contes…, doit être mis en exergue par l’école. Surtout le conte. En effet, lorsque nous étions jeune, le conte était la forme d’éducation favorite pour tester et forger notre intelligence. Les réminiscences sont encore gravées dans notre subconscient. Cet art oratoire qui, en Afrique, était la forme aboutie de développement mental de l’enfant. C’est évident que, dans son ouvrage de 246 pages publié en 1984 par les éditions « L’Harmattan » et intitulé « Le conte africain et l’éducation », Pierre N’DA ait défini le conte africain comme un « centre d’apprentissage de la maîtrise de l’art de la parole ».
Selon lui, « c’est le lieu où l’on a l’occasion de s’exercer à parler en public ». En cela, il est « une école d’éducation et de formation pour l’enfant comme pour l’adulte sur tous les plans ». Car, au niveau moral, « il véhicule les idéaux de la société, enseigne le bien et le mal, inculque les règles de conduite à respect pour la réussite personnelle et pour le bien de la communauté tout entière… Par sa valeur ludique, didactique et esthétique, il est certainement un des éléments les plus riches du patrimoine culturel africain et un des meilleurs moyens d’éducation », disait-il. Le conte est, en réalité, un moyen pédagogique d’éducation morale destinée à affiner, chez l’enfant, la connaissance spontanée du bien et du mal. À travers les séances de contes, les Africains cherchent à expliquer et à analyser l’origine de l’humanité, de la nature et les conduites sociales. Nous nous souvenons que dans notre tendre enfance, cette éducation était assurée par nos grand-mère et tante paternelle (badiène).
Nous adorions ce genre narratif, parce que si captivant et surtout la leçon de morale qu’on y tirait. Chaque soir, on en réclamait, parce que convaincu que le conte était un véritable outil d’éducation, de formation et de socialisation pour nous. Mais, force est de constater que cet art oratoire, si éducatif qu’il soit – parce qu’il développe la capacité de réflexion de l’enfant, façonne son comportement dans la société – a presque disparu de notre patrimoine culturel.
Pourtant, il peut participer à développer l’intelligence de nos élèves, la reconstruction de la citoyenneté tant recherchée au Sénégal. L’école, dans ce cas précis, peut se substituer à la famille (où se faisait le conte). Qui ne se souvient pas du bénéfice tiré par les élèves qui ont étudié, dans leur tendre enfance à l’école, les « Contes d’Amadou Coumba » de Birago Diop, « La belle histoire de Leuk-le-lièvre » d’Abdoulaye Sadji et de Léopold Sédar Senghor, les Fables de Jean de La Fontaine (comme le corbeau et le renard) ? L’inscrire dans les curricula du préscolaire et du primaire ne peut qu’être bénéfique pour l’école, la société voire le pays.
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Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)