C’est indéniable, la science, l’innovation et la technologie sont essentielles à la transformation économique du continent. Lors de l’ouverture du 6e Forum africain sur la Science, la technologie et l’innovation (Sti), le 21 avril 2024 à Addis-Abeba (Éthiopie), les dirigeants, représentants et experts africains ont soutenu que « l’Afrique peut construire un avenir plus prospère, plus juste et plus durable si les pays investissent dans la science, la technologie et l’innovation ». Certes, c’est une réelle prise de conscience. Toutefois, la réalité est tout autre. Selon News Feature du 14 décembre 2023, « bien que l’Afrique représente 18 % de la population mondiale, elle ne produit que 1 à 2 % des résultats mondiaux en matière de recherche et d’innovation ».
Pire, « 17 ans après que les États membres de l’Union africaine se sont engagés à consacrer 1 % de leur Pib à la recherche et au développement, le financement du continent ne s’élève qu’à 0,42 %, ce qui contraste fortement avec la moyenne mondiale de 1,7 % », poursuit la même source qui fait encore remarquer qu’« aucun pays n’a atteint l’objectif de 1 % ». Des statistiques qui en disent long sur le challenge à relever par le continent qui forme plus de littéraires que de scientifiques. Au Sénégal, par exemple, il y a quelques années, environ 30 % des élèves étaient dans les filières scientifiques et techniques. Un chiffre qui a connu une tendance baissière comme l’a fait remarquer le chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, lors du lancement, le dimanche 6 avril 2025, à Dakar, de la deuxième édition de la caravane nationale de l’espace, baptisée Spacebus 2025, organisée par l’Agence sénégalaise d’études spatiales (Ases). « Il est inquiétant de constater que seuls 16,5 % des élèves s’orientent vers les séries scientifiques. Cela doit changer. Il y va de notre souveraineté technologique », a-t-il alerté.
Non sans appeler, pour inverser la tendance, à un « engagement fort du système éducatif, des familles, mais aussi des institutions scientifiques et des médias, afin de revaloriser les filières scientifiques et technologiques dans l’imaginaire collectif ». Il s’y ajoute aussi, comme partout en Afrique, que la recherche et l’innovation restent très faiblement financées dans notre pays. Pourtant, si le continent veut sortir de son sous-développement, il doit nécessairement redynamiser la situation de la recherche, accorder plus de financement à la science et à la technologie (au moins 1 % du Pib comme demandé par l’Ua). C’est l’unique solution si l’on souhaite que l’Afrique retrouve son rôle de pionnier dans les sciences comme nous l’a appris l’histoire de l’Égypte ancienne noire qui a été marquée par «une longue tradition de contribution à la diffusion du savoir et du savoir-faire», selon le savant sénégalais Cheikh Anta Diop. « Berceau de l’humanité, le continent africain est entré le premier dans le processus historique. Dès la fin du 4e millénaire av. J.-C., l’écriture a été inventée et à partir de -4236, le calendrier sidéral en Égypte.
Dans le domaine proprement scientifique, qu’il s’agisse de la médecine, des mathématiques, de la géométrie comme l’algèbre, la mécanique, l’architecture, tous les éléments scientifiques égyptiens étaient en place. C’était l’époque du grand savant Imhotep. Les Égyptiens ont transmis les connaissances mathématiques très assimilées aux Grecs tels que Thalès, Pythagore, Platon, Archimède… » (Cf. Cheikh Anta Diop, Conférence sur Apport de l’Afrique à la civilisation universelle, Niamey, 1984). C’est dire que l’Afrique doit travailler à retrouver cette tradition de diffusion et non de réception. Aujourd’hui, l’on se demande comment un continent qui a tant donné en matière de connaissance aux autres se retrouve toujours encore relégué au second plan.
La traite négrière et la colonisation ont certes laissé des séquelles innommables, mais le continent ne peut pas passer son temps à ressasser son triste passé. Il doit prendre son destin en main. N’avons-nous pas été colonisés autant que les Asiatiques ? L’esclavage mental nous a tellement aliénés que nous restons amorphes. Faisons nôtres ces propos de l’ancien président sénégalais, Macky Sall, lors de la 3e conférence de l’Organisation du monde islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (Isesco) tenue à Mascate, capitale du Sultanat d’Oman, les 2 et 3 octobre 2024 : « Notre prestigieux héritage doit nous motiver, nous inspirer et surtout nous rappeler la responsabilité qui nous incombe de maintenir l’éducation et la formation au cœur de nos priorités ». J’y ajoute, la maîtrise des sciences et de l’innovation technologique également. daouda.mane@lesoleil.sn
Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)