Les masques tombent. Après plus d’une décennie, les Sénégalais ont enfin un nom et d’autres un visage sur le fameux pseudo « Kocc Barma ».
Ce nom revient toujours dans les rôles d’audience du Parquet du tribunal hors classe de Dakar. De nombreuses plaintes ont été déposées contre cette figure invisible. Qui était ce mystérieux personnage ? Faute de connaître la vraie identification de ce personnage énigmatique, certains l’illustraient par une représentation de « Kocc Barma ». À cause de ses agissements, de nombreuses familles se sont disloquées.
Mais après des années de traque, la Division spéciale de la cybersécurité (Dsc), appuyée par la Brigade d’intervention polyvalente (Bip), a mis fin aux agissements d’un réseau criminel orchestré par E. B. Dioum, présumé être le tristement célèbre « Kocc Barma », le 17 juillet 2025. Ce dernier, longtemps tapi derrière l’anonymat numérique, est accusé de chantage, d’extorsion de fonds, de diffusion massive de données à caractère personnel, etc. C’est une plainte déposée par une jeune femme de 16 ans, soutenue par sa sœur aînée, qui a déclenché la tempête. L’adolescente serait l’une des nombreuses victimes de chantage sexuel perpétré par un certain « Mouha », personnage désormais identifié comme l’un des relais de Dioum.
Selon les premiers éléments de l’enquête, cette plainte a ouvert la voie à une série de perquisitions, permettant aux forces de l’ordre de saisir des véhicules, du matériel informatique, des liasses d’argent liquide, ainsi que plusieurs armes à feu. La Dsc, qui a pris le contrôle du site Babiporno, a confirmé avoir récupéré des centaines de fichiers compromettants. L’analyse du matériel saisi révèle un système bien rodé : des vidéos à caractère sexuel, des preuves de transactions bancaires et des paiements réguliers via des plateformes anonymes.
Le site servait aussi de point de diffusion de contenus à forte valeur de nuisance, visant parfois des personnalités politiques, des journalistes, des artistes et de simples citoyens. Face à la presse le vendredi 18 juillet, le commissaire Pape Mamadou Djidiack Faye est revenu sur le long processus qui a conduit à l’interpellation de cet individu, accusé d’avoir illégalement obtenu et publié des vidéos mettant en scène des citoyens sénégalais, y compris des mineurs. L’enquête a révélé que le suspect est également impliqué dans une récente affaire où il aurait publié des « nudes » d’une mineure et tenté de lui extorquer de l’argent sous menace de diffusion. Elle a permis de confirmer la présence de certains contenus sur des plateformes spécialisées.
Lors de l’opération, les enquêteurs ont mis la main sur des centaines de sextapes de citoyennes sénégalaises, confirmant l’ampleur et la gravité des agissements du réseau. Ce butin numérique constitue une preuve matérielle accablante de l’étendue des activités illicites. Face aux enquêteurs, le mis en cause a reconnu les faits qui lui sont reprochés. Cependant, il a catégoriquement nié être le fameux « Kocc Barma ». Son arrestation a mis ainsi fin à une série de plaintes qui avaient mobilisé les forces de l’ordre depuis plusieurs années. Les chiffres donnent le vertige : entre 2018 et 2025, plus de 9 000 plaintes auraient été enregistrées par la police et la gendarmerie contre les agissements de « Kocc Barma », souvent en vain, faute de preuves ou de coopération des victimes. Son interpellation aura surtout mis un trait au cauchemar des victimes de ses agissements. Celles-ci sont tombées dans les filets du fameux « Kocc Barma » qui leur reprochait « d’infidélité ». Comme à chaque fois, il annonçait un nouveau dossier, l’administrateur du site impose des conditions pour se faire pardonner.
Depuis 2018, les noms de domaines seneporno.com et babi-porno.com résonnaient comme des cauchemars pour des centaines de Sénégalaises et Sénégalais. Ces plateformes étaient le théâtre de la diffusion de vidéos intimes, souvent obtenues à l’insu des victimes, et servaient de levier à des opérations de chantage numérique. Les conséquences psychologiques pour les victimes sont dévastatrices : humiliation publique, climat de peur permanent, et dans les cas les plus tragiques, des pensées suicidaires. La traque de « Kocc Barma » était devenue une sur-priorité. Une œuvre de salubrité publique. Malgré la discrétion et la complexité des opérations de ce cybercriminel, la Dsc a mené des investigations techniques poussées, combinées à une analyse minutieuse des mouvements financiers suspects. Ces efforts ont finalement permis de localiser E. B. Dioum dans un immeuble sécurisé de la capitale sénégalaise. Et de mettre fin à ses agissements. Pour le moment !
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