Le truculent chroniqueur de RFI, Mamane, a l’habitude de nous narrer à travers les ondes, avec son incomparable talent, la croustillante vie de la « République très, très démocratique du Gondwana ».
Ce pays imaginaire d’Afrique où Son Excellence Président-fondateur, le Leader bien-aimé fait la pluie et le beau temps. Au grand dam de ses administrés au quotidien peu enviable, tenaillés par la faim et la soif, sujets aux délestages intempestifs et à toutes sortes de privations voire de brimades… Ce pays où, aux élections, « c’est lui qui gagne toujours ». Normal, puisque les résultats sont publiés avant même … le début du scrutin. Eh bien, à la Caf, on nous a servi mercredi dernier au Caire, en Egypte, une version à peine améliorée de ces élections et pour de vrai cette fois. Puisque pour la représentation de l’Afrique au Conseil de la Fifa, il y a effectivement eu vote. Sauf que ce n’était que de façade. C’était couru d’avance : les dés étaient pipés !
Le « protocole de Nouakchott » a été exécuté à la lettre et la majorité des votants ont appliqué, les yeux fermés, les instructions venues d’en haut. De la Fifa, bien sûr, dont le grand manitou accentue du coup sa mainmise sur l’administration du football africain, tout en se ménageant un bon matelas électoral pour un prochain mandat. Pour cause, avec 54 associations nationales, l’Afrique constitue la plus grosse pourvoyeuse de voix de toutes les confédérations. Mais également du Marocain Fouzi Lekjaa, véritable homme fort du football africain et instigateur du deal de la capitale mauritanienne qui a définitivement mis sur la touche Augustin Senghor, le candidat sénégalais au pedigree respectable, à la carrure morale et à l’épaisseur intellectuelle reconnues de tous. Le président de la Fédération royale marocaine de football (Frmf) s’ouvre ainsi la voix vers la présidence de la Caf… dans quatre ans, si l’idée venait à Motsepe, réélu mercredi par acclamation, de ne pas briguer un troisième mandat.
Et même si le Sud-Africain, comme le Leader bien-aimé au Gondwana, pensait à se re-re-présenter, le manœuvrier Marocain se serait déjà fait un bien fidèle électorat et serait suffisamment balèze pour lui contester le moelleux fauteuil. C’est que le Royaume chérifien a développé un si puissant et efficace soft-power sur le continent – et au-delà – qu’il peut s’autoriser tous les rêves de grandeur. Le Maroc n’est-il pas devenu, ces dernières années, le terrain de repli pour la majorité des pays ne disposant pas d’infrastructures sportives aux normes internationales pour accueillir chez eux leurs matches à domicile ? Rien que ce mois de mars, pour les 5e et 6e journées des éliminatoires de la Coupe du monde 2026, pas moins de 7 rencontres y seront délocalisées. Les rencontres Burkina Faso – Djibouti, Ethiopie – Egypte, Ethiopie – Djibouti (Groupe A), Burundi – Côte d’Ivoire, Burundi – Seychelles (Groupe F), Comores – Mali et Comores – Tchad (Groupe I), se disputeront entre le stade d’honneur de Meknès, El Abdi d’El Jadida, le Municipal de Berkane et Larbi-Zaouli à Casablanca.
Et, cerise sur le gâteau, le Niger accueillera le Maroc pas à Niamey sa capitale, mais à … Rabat au Maroc. Le tout à des conditions défiant toute concurrence. Une diplomatie sportive de bon aloi (il faut le reconnaitre), avec en contrepartie, comme dans le cas d’espèce, un retour d’ascenseur de présidents de fédérations redevables. Oui, clairement une sorte d’échange de bons procédés, dont Augustin Senghor et tous les potentiels candidats sérieux à la succession de Motsepe, dans 4 ans (dont le Nigérian Pinnick voire l’Ivoirien Idriss Diallo) ont certainement été les victimes expiatoires. Les états de service individuels, les résultats des équipes nationales (voire des clubs) sur le terrain, les réalisations et les aptitudes à réaliser de grandes œuvres comptent donc pour du beurre. Un peu comme au Gondwana où quels que soient la qualité et le programme des prétendants, « c’est toujours Son Excellence Président-fondateur qui gagne »…