La vidéo est devenue à la fois virale et choquante. Dans le village de Kataba, département de Bignona, région de Ziguinchor, des élèves (filles et garçons) n’ayant pas obtenu la moyenne à l’issue du premier semestre, ont été sévèrement corrigés avec des masques rituels typiques de ce terroir. Tenez-vous bien, à la place publique du village et en présence des parents.
Finalement, d’après une source, sept personnes ont été arrêtées dont le chef du village, le président de l’association des parents d’élèves et un enseignant. Si l’intention était de rappeler à l’ordre ces enfants, le but recherché peut être contraire. Car, cette humiliation publique peut inciter nombre d’élèves, notamment les filles, à abandonner les bancs pour ne pas être la risée de leurs camarades. Et quelle humiliation également pour les parents qui, au lieu d’assumer leurs responsabilités, vouent aux gémonies ces enfants. Au fond, au Sénégal, les parents ont abandonné les élèves. Parmi eux, rares sont ceux qui font le suivi du travail de leurs enfants. L’enfant mérite plus d’attention, de communication. Faut-il rappeler que l’éducation débute dans les familles ? Seulement, depuis des décennies, toute la communauté semble baisser les bras, au grand dam des potaches, souvent désorientés. Oui, l’école est bien une affaire de la communauté : État, enseignants, société civile, parents… Conséquence, le système éducatif est en panne.
*Des élèves et étudiants ont du mal à s’exprimer ou à lire correctement le français, langue de travail. En fait, chez les élèves actuels, « tout ce qui est orthographe, lexique, vocabulaire, phraséologie, figure de style, n’intéresse pas, ils écrivent la phonétique, c’est-à-dire le son. Autrement dit, ils écrivent comme ils entendent », pour citer le comédien ivoirien, l’ambassadeur Agalawal. Des copies sont truffées de fautes d’orthographe, de l’élémentaire au supérieur. Et même l’administration n’y échappe. Ce sont là de véritables signaux de la faillite de l’apprentissage. Signe que le système éducatif est loin d’être efficace et efficient, malgré quelques éclaircies. Un grand nombre d’élèves avancent donc dans leurs études en traînant de nombreuses lacunes. En effet, l’évaluation 2020 de la performance des systèmes éducatifs de ses pays membres à travers le Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la Confemen (Pasec) a établi des « défis persistants en langue ». « En début de cycle, plus de 55 % des élèves sont en dessous de la moyenne en langue.
Ces élèves éprouvent des difficultés d’apprentissage relativement importantes dans le déchiffrage de l’écrit et la compréhension des mots, des phrases et des textes courts, ainsi que des messages oraux. À la fin du primaire, plus de la moitié des élèves ne savent pas lire », lit-on dans l’étude. Idem pour les mathématiques (calcul). « En début de cycle, plus de 28 % des élèves n’ont pas atteint le niveau suffisant en mathématiques. En fin de cycle, près de 62 % des élèves sont en dessous de ce seuil ». L’on comprend alors pourquoi notre école est marquée par « une dégringolade de performances scolaires, un fort taux de décrochage », d’après Elhadji Baba Mbaye. Pire, on assiste, selon toujours M. Mbaye, de plus en plus, « au découragement et au désengagement des parents sur l’investissement des études de leurs enfants ».
Une situation liée à une « multitude de facteurs », poursuit-il, dont le principal est « la non satisfaction des attentes qu’ils nourrissent dans les études de leurs enfants ». (Cf. Elhadji Baba Mbaye enseignant vacataire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) : « Crise scolaire et crise sociale à l’épreuve de l’école sénégalaise : cycle moyen et secondaire »). Pourtant, pendant longtemps, ces derniers et l’État, n’ont cessé de consentir des efforts financiers colossaux. Bref, le fait est établi : tant que les familles resteront absentes, l’école restera défaillante et c’est toute une génération qui paiera (encore) l’addition. daouda.mane@lesoleil.sn
Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)