Ah, le Sénégal, pays de la Teranga ! On s’y sert le thé avec trois pincées de sucre et une générosité légendaire, mais on y passe aussi les pots-de-vin avec une dextérité déconcertante. La corruption ? Une symphonie bien orchestrée où chacun tient son instrument : les ministres, les fonctionnaires, et même, parfois, ceux qui nous jurent qu’ils défendent la justice. On dirait une parade nuptiale de vautours sous un ciel de promesses non tenues.Regardez bien : on vous parle de routes qui se fissurent avant d’être inaugurées, d’hôpitaux où les malades paient pour des soins qu’ils ne recevront jamais, et d’appels d’offres maquillés comme une partie de dame truquée entre deux vieux roublards au coin d’un marché. On raconte qu’un ancien ministre de la République a une villa au bord de la mer dont le carrelage coûte à lui seul le budget annuel de deux écoles rurales. Mais, chut ! Il paraît que le silence est d’or, surtout quand les lingots sont en jeu.Et puis, il y a cette nouvelle star judiciaire, ce fameux parquet financier dirigé par El Hadj Alioune Abdoulaye Sylla, lancé comme une torpille pour faire exploser la roublardise des gestionnaires indélicats et traquer les milliards enfouis dans les poches profondes.
« Plus de 125 milliards de francs CFA suspectés de blanchiment ! » s’écrie-t-on avec des trémolos dans la voix. Des milliards en veux-tu, en voilà jusqu’à l’écœurement sans que l’alentour ne ressente le poids d’une plume de bien-être sur son quotidien paumé.
On croirait un épisode de Netflix, sauf que les coupables, eux, finissent rarement derrière les barreaux. Non, ils finissent souvent à Paris, ou dans quelque palace de la Riviera, sirotant du champagne pendant qu’ici, les paysans tirent leur eau d’un puits à la corde usée. C’est que la corruption, voyez-vous, au Sénégal, ce n’est pas seulement une pratique. C’est un art, une manière d’être, presque une tradition.
Les enveloppes glissent dans les poches comme une poignée de sable sur la plage de Dakar, et les promesses d’en finir avec tout cela s’évaporent avec la même régularité que les nombreux séminaires sur la lutte contre la corruption. Si l’on n’y prend garde, le baobab tombera tout seul, fatigué par le poids de tant de billets accrochés à ses branches. Et ce sera alors une pagaille indescriptible.
Fort en thunes
Les missiles à tête chercheuse sont donc lancés. Et l’actualité rebondit sur Farba Ngom. Ce chantre de l’autosatisfaction, homme de confiance du président Macky Sall, est à la politique sénégalaise ce que le griot est à la cour royale : une voix retentissante, pleine de promesses et de louanges, mais aussi, semble-t-il, pleine de billets. Ah, les billets ! Ces morceaux de papier magiques qui, à en croire les rumeurs et les murmures, auraient l’étrange habitude de se multiplier dans ses poches comme des poissons dans le fleuve Sénégal. Son nom résonne comme un refrain que tout le monde connaît mais que personne n’ose chanter à pleine voix.
On dit qu’il est richissime, qu’il aurait des biens ici et là, des comptes bien garnis, et que sa fortune est aussi mystérieuse que l’origine des pannes de courant qui frappe souvent notre société d’électricité. Une fortune prêtée, bien sûr, jamais confirmée.
Car Farba préfère le silence des coffres à la fanfare des explications.Mais il faut dire que chez ce fidèle de Macky Sall, l’argent semble obéir à des lois bien particulières. Il a le don de transformer les hasards en opportunités et les opportunités en richesses. Un terrain par ici, une affaire par-là, des relations bien placées – voilà la recette. Certains vous diront que c’est du génie entrepreneurial, d’autres murmureront des mots moins flatteurs, comme « collusion » ou « privilèges ». Et pendant ce temps, le peuple regarde. Il regarde les routes qui ne se construisent pas, les hôpitaux qui manquent de lits, et les écoles où les élèves partagent un livre pour quatre. Farba, lui, continue sa route, sûr de son étoile, apparemment imperméable à la critique, comme un baobab face à une brise légère. Son armure parlementaire résistera-t-elle aux cisailles bien affûtées de ses collègues pastéfiens ?
Par Sidy DIOP
Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)