On connaissait déjà la diplomatie. Celle-là qui régit les relations entre les pays, sur la politique étrangère notamment. Mais de plus en plus, un glissement s’est opéré. On parle davantage de diplomatie économique.
La définition classique la considère comme la recherche d’objectifs économiques par des moyens diplomatiques. On perçoit donc clairement que la diplomatie économique combine la fonction régalienne (la diplomatie est, par définition, la prérogative des États) et la fonction commerciale. Elle s’appuie sur tous les instruments de politique étrangère pour promouvoir des intérêts économiques des entrepreneurs. La Diplomatie économique sert aussi de levier aux pays pour vendre l’expertise locale à l’étranger. Le Maroc est d’ailleurs cité en exemple dans ce domaine. Dans ses voyages, et selon les spécificités du pays hôte, le Roi se déplace régulièrement accompagné d’une bonne brochette d’entrepreneurs. L’objectif, leur servir de garanties d’accès aux marchés étrangers. Une fois les marchés décrochés, l’arsenal financier est mis à contribution pour cocher toutes les cases. Conséquence : en l’espace de huit ans, le Maroc a multiplié par huit le montant de ses investissements directs étrangers (Ide) en Afrique, passant de 100 millions de dollars à plus de 800 millions de dollars.
Au Sénégal, une attention particulière est accordée à la diplomatie économique. La publication du rapport de la Cour des comptes a quelque peu écorché l’image du pays à l’étranger, créant une certaine réticence des investisseurs. Pour rétablir la signature du Sénégal, les experts sont unanimes. Le salut passe par la diplomatie économique. À ce propos, l’économiste et enseignant-chercheur Seydina Oumar Sèye est clair : « Il faut développer la diplomatie économique pour rassurer les partenaires techniques et financiers. C’est clair qu’à un moment donné il va falloir […] rassurer les partenaires techniques et financiers à l’aide d’une diplomatie économique et financière ». C’était d’ailleurs le fil rouge des sorties des autorités lors des jours qui ont suivi la publication. On tente de rassurer les partenaires. En leur disant « oui, les finances sont au rouge. Oui nous avons des difficultés. Mais nous sommes en mesure de dépasser les turbulences dans lesquelles nous sommes aujourd’hui ». La particularité de la diplomatie économique c’est qu’elle est valable dans les deux sens. Aussi bien les pays développés que ceux en développement, tous aspirent à se donner une belle image.
En déplacement dans un pays africain, par exemple, le président français, en plus de ministres, étaient accompagnés de responsables de structures telles qu’Engie, Alstom, Safran, TotalEnergies, Suez, Airbus, Veolia… Au Sénégal, même si la volonté de tendre la perche au secteur privé semble manifeste, il reste à se matérialiser. Le secteur privé ne cesse de réclamer une meilleure complicité avec le pouvoir public. En termes simples, « le patronat veut être dans les bagages du chef de l’État quand il se déplace ». Dans un contexte marqué par des coopérations multiformes, aucun pays n’accepte d’être la chasse gardée de puissances étrangères. Elles doivent rivaliser d’offres pour charmer les pays en développement. Ces derniers en profitent pour mieux valoriser leurs ressources naturelles. Même si tout est enrobé dans la diplomatie classique, l’objectif caché reste de faire le maximum de profits. Et les États, qu’ils le disent ou pas, pensent d’abord local, avant de s’ouvrir. oumar.fedior@lesoleil.sn