Le mois béni du ramadan, mois de l’acceptation, de la bienfaisance, de l’élévation, est parti comme il était venu. Le temps passe vraiment vite. Eh oui. Ça me rappelle une vieille chanson « L’heure fugitive » que l’on fredonnait sans relâche à l’élémentaire. « L’heure s’enfuit, fugitive elle passe, comme un oiseau dans les grands cieux Il faut marcher, il faut franchir l’espace. Car, notre temps est précieux… » …. Et bla-bla et bla-bla. Après un mois d’abstinence, c’est le bout du tunnel pour ceux qui ont prié dimanche ou lundi (nos parents chrétiens eux devront patienter encore). Rien n’est donc éternel pour qui sait être patient ; pas même trente jours de jeûne, de privation. De savoir que l’on n’aurait plus à s’abstenir de manger, de boire, de fumer, de calomnier ou encore de mentir entre l’aube et le crépuscule, a rendu certains visages radieux, rayonnants. Mais avons-nous passé cet examen avec brio ? Avons-nous vraiment réussi à faire pénitence et à purifier nos âmes en ce laps de temps ?
Ce sont autant de questions que l’on devrait se poser si l’on en croit l’imam de notre quartier, qui est revenu, hier, dans son sermon, sur les notions de bienveillance et de gaspillage. Parce que le Sénégalais qui sait être bienveillant à sa manière, est aussi un vrai expert dans l’art de gaspiller. Et le ramadan, pourtant censé nous épargner certaines dépenses, malmène nos bourses. Normal, quand chacun veut rattraper en quelques heures les trois repas perdus. Chez nous, le gaspillage que certains économistes conçoivent comme « la science de la satisfaction des besoins illimités à partir de ressources limitées » est souvent érigé en règle et il faut, pour s’en convaincre, se rendre dans les maisons pendant le ramadan. Le gaspillage atteint son paroxysme. On multiplie par deux voire trois la quantité de nourriture à préparer et jette plus de la moitié à la poubelle. Un énorme gâchis ! Et pendant les fêtes et autres cérémonies familiales, c’est encore pire. C’est la frénésie des achats, les excès de nourriture… Tous les moyens sont bons pour dépenser. Sans compter parfois.
Notre environnement social encourage le gaspillage. On assiste partout à une frénésie de consommation, une extravagance qui ne dit pas son nom. Normal quand l’argent est acquis facilement. Parfois, les gens éprouvés par la vantardise et incapables de dompter leurs âmes, s’adonnent à des dépenses débridées lors des fêtes et autres cérémonies familiales ; des événements qui dévorent des sommes colossales qui auraient pu servir dans des choses beaucoup plus utiles. Et le plus terrible, c’est qu’on en est arrivé à gaspiller, à jeter des quantités considérables de nourriture, alors que non loin de nous, des citoyens vivent dans une pauvreté chronique, n’arrivent pas à joindre les deux bouts et crèvent de faim. Nous gaspillons tout ce que nous possédons et ce n’est malheureusement que quand les puits sont à sec que nous connaissons la véritable valeur de l’eau.
Nous avons beau être aussi riches que Crésus, nos ressources ne sont pas inépuisables. Il nous revient d’en user intelligemment, tout en évitant de réduire notre consommation à un niveau assimilable à de l’avarice, de la cupidité. Car le Seigneur, dans la sourate Al Isra (Le voyage nocturne), à la sourate 29, avertit : « Ne porte pas ta main enchaînée à ton cou et ne l’étends pas non plus trop largement sinon tu te trouveras blâmé et chagriné ». Quand nos possessions nous démangent au point de ne pas savoir quoi en faire, il faut en faire profiter aux autres. Ainsi conseillait un vieux sage. Parce que la bonne utilisation de l’argent consiste à ce qu’il soit dépensé dans les nécessités envers soi, sa famille. Ou à en faire profiter aux plus nécessiteux qui n’ont pas reçu de Dieu les mêmes faveurs sur Terre.
Donner l’aumône n’a jamais appauvri personne puisqu’on donne toujours à la mesure de ses moyens. Si on a beaucoup, on donne beaucoup ; si on a peu, on donne peu, mais de bon cœur. L’aumône doit être désintéressée ; il ne faut pas attendre d’être sollicité pour aider ceux qui sont dans le besoin. En faisant l’aumône, on fait œuvre de miséricorde, rend le pauvre joyeux et irradie son cœur de joie. Dans un monde de compétition et en crise de bienveillance, la folie de la consommation ne doit pas guider nos actes. Il nous faut adopter de bonnes méthodes de consommation, car le Seigneur interdit formellement la prodigalité, le gaspillage. Chacun doit donc emprunter le chemin de la sobriété et de la modération dans ses dépenses, mais aussi être raisonnable et mesurer les choses selon le besoin. sambaoumar.fall@lesoleil.sn