On a entendu ici et là des commentaires, industriellement relayés par la presse, rapportant que le Sénégal n’était plus une démocratie. Que les nouvelles autorités manipulaient la justice. Que l’État de droit sous Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko n’est plus ce qu’il était. Agressé. Piétiné.
Dévalué. Les faits sacrés enregistrés au quotidien prouvent le contraire. On se rend compte que tout cela n’est pas juste. Tout cela a été exagéré, sans aucune base solide, aucun argument probant pour le matérialiser et n’existant véritablement que dans l’esprit de ceux qui le pensent et le défendent. Et cette fois-ci, qui nous le dit ? La plus sage de nos juridictions à savoir le Conseil constitutionnel. Reconnaissons-le, sans fioriture : en rendant une décision (qualifiant d’inconstitutionnelle la loi interprétative de la loi d’amnistie portée par les députés de la majorité), qui fait visiblement l’affaire de l’opposition, les « Sages » renseignent qu’ils ont aussi travaillé librement. Sans pression. En toute indépendance. Le relever, c’est clairement faire preuve d’honnête intellectuelle. Souvenons-nous des débuts de Macky Sall au pouvoir.
Le prince ne s’était fixé aucune limite. Ouvrant plusieurs fronts, s’attaquant à l’opposition qu’il voulait réduire à sa plus simple expression, intimidant les voix discordantes et politisant les dossiers judiciaires. À chacune de ses sorties, c’était les mêmes les discours guerriers enrobés de menaces contre les ministres, directeurs généraux et autres caciques du régime Wade. Juste pour légitimer aux yeux de l’opinion nationale et internationale ce qui allait suivre : la fameuse traque des biens mal acquis. Exactement 25 dossiers ont été ficelés. Et on se souvient comme si c’était hier, comment Ousmane Ngom, ancien ministre de l’Intérieur, a été embastillé dans un hôtel à Kolda, humilié et conduit manu militari à Dakar. L’enlèvement a été retransmis en direct par les radios. Le lendemain, les jours et mois qui ont suivi, les médias ne parlaient que de cette traque qui était à la « Une » de tous les journaux. Mais, à l’arrivée, seul Karim Wade a été jugé et condamné. Les autres, presque tous, avaient transigé, acceptant de jouer le jeu du nouveau roi.
En réalité, Macky Sall n’était nullement animé par un souci de justice, de transparence ou de combattre l’impunité. Son plan machiavélique consistait tout simplement à faire chanter les dignitaires du pouvoir sortant, décapiter le Parti démocratique sénégalais (Pds) et renforcer l’Alliance pour la République (Apr). Voilà pourquoi, quand il a atteint ses objectifs, les poursuites enclenchées, en grande pompe, ont été aussitôt arrêtées. Ridiculisant les magistrats qui étaient engagés dans le processus, fragilisant davantage l’institution judiciaire. Allons-nous revivre le même scénario ? Certainement non. Les éléments qui fondent cet optimisme existent et sont incontestables : postures, actes et méthode de gouvernance en cours. Rien à voir avec le régime Macky Sall connu pour ses immixtions répétées dans les dossiers judiciaires. Et il est heureux de constater que les membres de l’opposition et de la société civile sont les premiers à envahir les émissions de radios et les plateaux de télévision pour saluer la décision du Conseil constitutionnel.
Preuve que le Sénégal est sur la bonne voie. Ruptures ? En voilà véritablement une. À l’actif de Diomaye et de Sonko. Le progrès enregistré est immense et le message que tout le monde doit maintenant savoir et retenir est le suivant : l’exécutif ne fait désormais aucune pression sur la justice. Il en est ainsi avec la loi interprétative déposée par la majorité devant le Conseil constitutionnel. Il en sera de même sur tous les dossiers en cours ou qui seront enclenchés devant les Cours et Tribunaux du pays. Mais ne soyons pas naïfs, la politique politicienne refera bientôt surface. Ceux qui chantent la justice aujourd’hui seront les premiers à la vilipender demain. Et dans un pays comme le nôtre où il est plus facile de vulgariser des actes ou des déclarations, de s’en faire simplement l’écho que d’aller au-devant de l’information, on a plus que jamais besoin d’une presse libre et objective pour défendre l’État de droit et combattre l’impunité. abdoulaye.diallo@lesoleil.sn