Donald Trump faisait déjà trembler la planète dès l’annonce de sa victoire à la présidentielle de novembre 2024, les premiers actes qui ont suivi son investiture, lundi dernier, n’ont pas apaisé les craintes. « Tariff Man » (l’homme des droits de douane, surnom qu’il s’est donné lui-même), sur un ton messianique, déclare dans son discours d’investiture : « J’entamerai immédiatement la révision de notre système commercial afin de protéger les familles et les travailleurs américains. Au lieu de taxer nos citoyens pour enrichir d’autres pays, nous imposerons des droits de douane et des taxes aux pays étrangers pour enrichir nos citoyens ».
À peine investi, le chantre du protectionnisme a sonné la charge à coups de menaces contre ses voisins canadiens et mexicains, en annonçant des droits de douane de 25 % applicables à leurs produits. Du déjà-vu. Avec Trump, le commerce est un bras de fer permanent pour réduire le déficit commercial de son pays, situé à 1100 milliards de dollars en 2023 et renflouer les caisses du Trésor avec les recettes générées par les barrières douanières, afin de supporter une baisse des impôts. Dans son viseur, il y a son obsession : la Chine, dont l’excédent sur les États-Unis est de 280 milliards en 2023. Pékin sait donc qu’il est dans le collimateur de Washington, ses produits risquant, eux aussi, d’être taxés jusqu’à 60 %.
Pour Trump, l’« âge d’or » promis à l’Amérique doit survenir en écrasant les autres dans une guerre commerciale qu’il promet comme la plus dure depuis 1930. Son ennemi, c’est tout le monde, « on est tous présumés ennemis de l’Amérique, on est tous présumés coupables. On doit faire la preuve de notre innocence en négociant avec Trump », dit le journaliste Richard Werly du journal suisse Blick. Seulement, le nouveau locataire de la Maison-Blanche feint d’oublier qu’il n’a pas le monopole de la cravache, puissant soit-il.
Le principe de la réciprocité pourrait contrecarrer ses plans Maga (« Make America great again » ou redonner sa grandeur à l’Amérique). D’abord, les entreprises ciblées seraient dans l’obligation de répercuter la hausse des droits de douane sur les prix de leurs produits. L’Amérique ayant besoin du monde et ne pouvant pas produire dans ses usines tous les biens qu’elle consomme, ses entreprises subiraient alors les contrecoups de cette politique, qui générerait une inflation pour le consommateur, mais aussi des suppressions de postes de part et d’autre. Selon une étude du Boston consulting group, publiée lundi, le relèvement des droits de douane engendrera un surcoût de 640 milliards de dollars sur l’économie américaine.
L’étude part de l’hypothèse de droits de douane de 60 % sur les produits chinois et de 25 % sur ceux du Mexique et du Canada. Si les perspectives commerciales s’assombrissent avec l’Amérique, les autres pays seraient obligés de se tourner vers d’autres opportunités pour survivre à l’ouragan Trump. L’Union européenne a signé un accord avec le Canada (dont ¾ de ses exportations se font avec les États-Unis) pour un accès préférentiel au marché européen. Pragmatique, Bruxelles a tendu la main à Pékin, hier, Ursula von der Leyen déclarant à Davos : « L’Europe continuera à prôner la coopération, pas seulement avec nos amis de longue date (…), mais aussi avec tous les pays avec qui nous avons des intérêts communs ».
Quant à la Chine, elle va certainement actionner les leviers dont elle dispose pour limiter les dégâts. Devenus incontournables dans les chaînes d’approvisionnement, les Chinois réduisent de plus en plus leur dépendance au marché américain en développant d’autres partenariats commerciaux pour diversifier leurs marchés d’exportation (Asie, Europe, pays du Sud). Cependant, les menaces trumpiennes n’épargneraient pas certains secteurs de la deuxième économie au monde. Mais l’Empire du Milieu peut aussi compter sur son immense marché intérieur pour atténuer tout choc externe sur ses exports.
Quant à l’Afrique, dernière priorité de Trump, elle devra trinquer suite à une suspension de l’aide au développement pour 90 jours. Mais la plus grande inquiétude plane sur le sort de l’Agoa, qui exempte des produits africains exportés en Amérique. Le seul bémol, le continent devrait pouvoir compter sur son grand marché intérieur en exploitant les potentialités offertes par la Zlecaf. Dès l’annonce de la tempête, que tout le monde se mette à apprendre à naviguer pour en sortir indemne.
Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)