Au début de la deuxième alternance, alors qu’elle était Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Aminata Touré avait effectué une visite à la maison d’arrêt et de correction (Mac) de Rebeuss. Elle avait convié la presse et d’autres organisations intervenant dans la défense et le respect des droits de l’homme. Après avoir visité une chambre qui refusait du monde, la délégation ministérielle avait laissé derrière elle un avocat à la Cour.
En fait, ce dernier était en train d’échanger avec un des pensionnaires de la cellule. Malheureusement, les gardes pénitentiaires ont aussitôt refermé la porte de la chambre au moment où le ministre et sa délégation poursuivaient la visite dans une autre chambre. Les gardes pénitentiaires n’avaient pas alors prêté attention à la présence de l’avocat. Pour se tirer d’affaires, les pensionnaires lui ont conseillé de faire du bruit comme le disait l’ancien Président gabonais, Ali Bongo. Quand il a été renversé, il avait écrit un message à ses amis un peu partout dans le monde pour leur dire de faire du bruit : « to make some noise ». Dans cette maison d’arrêt, faire du bruit signifie taper fort sur la porte de la cellule. Et en le faisant, les gardes pénitentiaires allaient aussitôt lui ouvrir.
Les pensionnaires l’ont alors aidé à faire du bruit. Une stratégie payante puisque la robe noire a été « extraite » de la cellule et a alors rejoint la délégation ministérielle. La vie carcérale ne doit guère être perçue comme un « mystère », surtout pour les acteurs du secteur. La visite des lieux de privation des libertés pour le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, est tout un symbole. Au-delà de s’enquérir de la situation carcérale, elle permet de prendre des décisions pour améliorer les conditions de détention. La polémique sur la construction de nouvelles prisons depuis l’indépendance de notre pays n’est pas appropriée. Mieux, devons-nous nous féliciter de la construction d’une nouvelle prison ou nous en émouvoir ? La meilleure politique carcérale serait-elle la construction de nouveaux lieux de privation des libertés ? Ou bien serait-elle la vraie alternative pour décongestionner les prisons ? Autant d’interrogations légitimes.
Une célèbre formule attribuée à l’écrivain français Victor Hugo laisse penser qu’« ouvrir une école c’est fermer une prison ». Vrai ou faux ! Ce qui est sûr, c’est que cette maxime si pleine de générosité, n’est malheureusement pas vraie pour l’éternité. Elle le fut certes, au XIXe siècle, quand l’école républicaine n’existait pas encore, quand de pauvres gamins étaient livrés à eux-mêmes, abandonnés à une existence frustre et condamnés à voler leur pain pour survivre. De Claude Gueux, héros tragique d’une nouvelle tirée d’un fait réel, à Jean Valjean, figure du martyr humain, tous deux envoyés au bagne pour avoir volé un quignon, de Gavroche à ses deux petits frères perdus dans un Paris hostile, les personnages d’Hugo nous racontent cette machine sociale qui broie les plus faibles et les condamne «au crime ou au vice, selon le sexe ». Harcelé par son geôlier, Claude Gueux finit par le tuer et mourir sur l’échafaud.
Il faudra donc miser sur la prévention et l’anticipation pour que la détention soit l’exception et la liberté la règle. Pour ce faire, les pouvoirs publics devront davantage consentir des efforts dans l’éducation à la citoyenneté qui vise à former des individus responsables, actifs et capables de participer à la vie sociale et politique, tant à l’échelle locale que mondiale. Elle cultive des valeurs comme le respect, la tolérance et la solidarité. Cette politique constitue l’une des alternatives au surpeuplement carcéral. Pour que les détentions ne débouchent pas sur un sureffectif de nos prisons. À défaut, la réinsertion sociale reste l’un des meilleurs moyens de re-socialisation.
Les nombreuses initiatives de l’administration pénitentiaire sénégalaise sont, à cet effet, salutaires et à davantage soutenir et à renforcer. Quand on voit un pensionnaire d’une prison devenir, au bout de quelques mois en prison, maître boulanger, tailleur, maçon, menuisier, etc., alors qu’il ne savait rien de ce métier, c’est une prouesse. De même que quand d’autres débutent l’apprentissage du Coran et du français. Autant de raisons qui laissent croire que la construction d’une prison n’est pas forcément une alternative à la surpopulation carcérale. Imaginer d’autres sanctions palliatives serait salutaire pour que la détention soit vraiment le dernier recours.
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